
Coq-à-l’âme (ou mes pensées en galère!)

Comme bien souvent au cours de mes lectures, celle du dernier Nancy Huston (Bad Girl) suscite ces jours-ci plein de belles réflexions en moi. Des pensées sans lien les unes avec les autres. Un peu comme un chemin qu’on emprunte et qui nous mène aux endroits les plus éloignés, comme dans une logique qui a ses propres règles.
Dans ce livre donc, Huston raconte sous forme romancée sa vie à travers les éléments, parfois insolites qui ont fait d’elle l’auteure que l’on connaît. Et c’est ainsi à un long dialogue écrit au « Tu » que l’auteure nous convoque, discutant avec Dorrit (le « tu » en question), le fœtus qu’elle a été avant sa naissance. Et ces événements qui l’on façonnée (ou la façonneront!) : les déménagements successifs, l’absence de sa mère, le grand-père « barjo », la grand-mère féministe avant l’heure.. Et des dizaines d’autres événements qui auraient pu mener la femme sur mille autres routes que celle d’auteure.
Ce matin dans le train, mes écouteurs sur les oreilles pour tenter de fuir la promiscuité des voyageurs, et en repensant à certains passages de ce livre – que je n’ai pas encore terminé, préférant le lire « à petites doses » pour faire durer le plaisir! – je me suis mise à me demander quels étaient justement ces « ingrédients » qui faisaient de nous la personne que l’on devient.
Et cela, d’une façon presque imprévisible…
Me penchant sur mon propre parcours (parce que c’est le seul que je connais, bien sur!), je suis un peu fascinée de voir que partie du fin fond de l’Abitibi et, issue d’une famille pour le moins perturbée, je puisse être devenue celle que je suis.
Que dire d’autre , en effet, d’une famille comme la mienne ou l’on retrouve une mère mariée trois fois ( dont deux en « premières noces »), une grand-mère qui préférait les femmes, une arrière-grand-mère qui a pris ses cliques et ses claques en 1928, abandonnant mari et enfants pour venir vivre de la prostitution dans le Red Light des années 30 et 40, un arrière-arrière-grand-père mort à l’asile pour avoir eu le malheur d’être épileptique, un père enterré trente-cinq ans après sa mort… Et j’en passe!
Famille « perturbée » devrait donc être le qualificatif plus approprié , j’imagine, pour décrire cette famille d’où je viens!
Je suis donc fascinée de constater que malgré tout, je puisse néanmoins passer « inaperçue » en public. La chose me donnant à penser que tous, nous avons nos histoires même si c’est loin d’être aussi évident qu’un bouton sur le nez! Et cela même si à 17 ans, j’avais comme eu l’impression que je devais m’enfuir le plus loin possible de mes origines, préférant mille fois mieux passer pour une fille venant de nulle part que d’assumer mon histoire.
Une histoire qui m’a pourtant faite telle que je le suis. Que je le veuille ou non !
Bien naïvement, j’ignorais à l’époque qu’une histoire, nous en avons toutes une !
*****
Et puis, comme c’est souvent le cas lorsque je me «retire » entre mes deux oreilles pour m’extraire ne serait-ce qu’un instant du quotidien qui se fait étourdissant autour de moi, une pensée en emmenant une autre, j’ai réalisé que ce n’était pas si facile de dire les choses.
Repensant à ce billet écrit il y a deux jours et que j’ai depuis classé comme « privé » suite à un appel de quelqu’un de mon entourage qui s’est senti offusqué par mes propos, je me suis dit qu’il n’était pas toujours évident d’évoquer la réalité. Et que, peu importe peut-être que cette réalité soit aussi évidente que le plus gros des boutons sur le nez, il était parfois impossible de la dire trop ouvertement. Un peu comme si ce simple fait de dire tout haut ce qui est pourtant une évidence rendait le déni impossible !
«Nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont, nous voyons les choses telles que nous sommes.» (– Anaïs Nin)


2 commentaires
julie
Ce que tu en évoques, moi j’aimerais le lire!
Ce que tu racontes avec parcimonie ici, est tellement juste de sensibilité et témoigne d’une grande ouverture…
Merci du partage…
Je cours chercher le dernier livre de Huston!(est-ce son dernier au fait?)
Marie
Bonjour Julie ! Oui c’est bien là le plus récent livre de Nancy Huston dont le titre (que j’ai oublié de présenter dans mon texte !) est « Bad Girl ».
J’avoue que je n’avais pas beaucoup aimé ces deux précédents bouquins mais celui-ci me rejoint personnellement plus, je l’avoue parce qu’il parle de transmission, de cet arbre généalogique sur lequel nous « poussons » et de ce qui fait une vie. Comme je ne l’ai pas encore terminé, très certainement j’en reparlerai plus longuement d’ici peu ! Ce sera intéressant de partager nos avis ensuite !
Marie