Et si le vent devait tout emporter
«« Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». C’était une connerie. Du moins dans son acception banale et contemporaine. Au quotidien, la souffrance n’endurcit pas. Elle use. Fragilise. Affaiblit. L’âme humaine n’est pas un cuir qui se tanne avec les épreuves. C’est une membrane sensible, vibrante, délicate. En cas de choc, elle reste meurtrie, marquée, hantée.»
(- Jean-Christophe Grangé, Le Passager)
Je suis toujours un peu étonnée devant ce qui m’apparaît souvent un peu comme un intangible. Cet «indéfinissable» qui fait en sorte que ces mots de quelqu’un d’autre sur lesquels on tombe, presque comme par accident, puissent sembler nous avoir été personnellement destinés…
Comme cette citation, en début de billet, sur laquelle je suis tombée en ouvrant mon compte Facebook ce matin.
Car c’est bien ce sentiment qui m’habite ces jours-ci. Cette sensation qu’après des mois et des mois à avoir l’impression de faire le dos rond, convaincue que, statistiquement, il est impossible que les choses ne se mettent pas à aller mieux un de ces quatre matins, c’est plutôt le contraire qui semble se produire.
Un peu comme pour ces grands vents d’automne qu’on pensait, après les avoir vu s’époumoner pendant des heures, être sur le point de s’essouffler. Mais qui nous laissent percevoir en un instant l’importance de notre méprise. Lorsqu’on se rend compte soudainement que c’est rien de moins que la tempête qui menace au large…
Je sais bien ! Je ne gagnerai pas de prix avec ce billet qui n’a rien de réjouissant. Et qui ne prétendra pas, même une demie-seconde, se parer des effluves festives de fin d’année fleurant bon la cannelle et le poinsettia!
N’empêche ! Alors que les tuiles semblent s’accumuler dans mon quotidien avec la précision d’un métronome, je me demande maintenant si cette fin d’année plutôt merdique (n’ayons pas peur des mots!) ne laisse pas présager, au lieu de ce renouveau que j’attends un peu comme on attend le train – en me disant qu’il est impossible qu’il ne finisse pas par se montrer! – une autre vague de mauvaises nouvelles.
Un peu comme un escalier qu’on ne finit plus de débouler !
Le dégât d’eau d’il y a deux semaines dans mon sous-sol, ma mère entrée en ambulance aux urgences après qu’elle soit tombée, en début de semaine, dans la chambre de résidence ou elle habite. S’ouvrant le dessus du nez et saignant comme un porcelet qu’on aurait égorgé. Mon beau-père, hospitalisé depuis plus d’une semaine, maintenant incapable de rejeter le CO2 de ses poumons. Et ma belle-mère qui, ayant passé plus de quarante ans avec son homme, se voit déjà abandonnée avant l’heure…
Tous ces événements qui, pris séparément, ne sont rien d’autre que le reflet de la vie qui se déroule comme un tapis sous nos pieds. Mais qui, s’additionnant les uns aux autres depuis trop longtemps, laissent plutôt présager cette enfilade désordonnée qui finit par avoir notre peau. Un peu comme dans la fable de la grenouille. Vous savez ! Cette histoire qui raconte que si on plonge une grenouille dans un récipient d’eau chaude, celle-ci s’échappe immédiatement d’un bond. Logiquement ! Mais que si au contraire, on plonge cette même grenouille dans un récipient d’eau froide que l’on chauffe progressivement, loin de se rendre compte du changement, l’animal s’engourdit.
S’habitue.
Avant de finir ébouillanté.
À travers cela, mon mariage qui, de plus en plus, ressemble à une couverture usée dont on nie les fissures depuis trop longtemps. Et qui nous révèle un beau matin ne plus tenir à grand chose…
Et, comme au cœur d’une tempête, je me dis que le prochain coups de vent pourrait bien tout emporter.
Mais cela, pour l’heure, je ne peux que l’évoquer, en silence. À travers des points de suspension.
Parce que, un peu tragiquement, il n’y a pas ici de coupable. Seulement des circonstances.
Et comme dans une tempête justement, j’en suis encore à ce moment précis ou je suis encore incapable d’imaginer qu’il puisse y avoir un «après».
Trop occupée à m’évertuer à «sauver les meubles».
Incapable d’accepter que je ne le puisse pas…