Des bouts de textes ici et là,  réflexion

La vie des autres

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Et non ! Je ne devais pas écrire. 

Pas encore. Pas avant le 15 août.

Mais parce que celui-ci m’est venu tout seul. Et parce que j’aime être là ou on ne m’attend pas…

Pourquoi se priver ?

*****

Il y en a qui passent devant les maisons et qui s’amusent, l’espace d’un instant, à regarder à travers les fenêtres. Un peu comme on entre dans un autre monde: presque en catimini. Histoire de tenter de percer, en une fraction de seconde, les secrets de ces purs inconnus. Des gens anonymes qu’ils ne reconnaîtraient même pas s’ils venaient à bêtement les croiser sur la rue.

Mais dont ils pourraient identifier, presque sans se tromper, la marque des meubles qui ornent leurs maisons.

Il y en a d’autres, qui pour fuir leur quotidien, lisent des romans comme on enfile des perles. À la suite les uns des autres et presque sans discontinuer. Des histoires dont ils ressortent, le temps d’une infinitésimale seconde, avec l’impression d’être enfin apaisés. Ou d’être parvenus à littéralement changer de vie. Cela, le temps que la tragique réalité de l’incompatibilité entre la fiction et la réalité leur entre dedans avec la force d’un ouragan.

Et puis ?

Enfin, il y en a d’autres encore, comme moi, qui pour fuir le réel le temps d’une escapade de l’esprit, s’attardent à imaginer la vie des autres.

Un homme.

Une femme.

Le sujet est sans importance ici.

Ou si peu.

Un ou une anonyme qu’ils croisent au quotidien sans rien en connaître. Un peu comme deux êtres destinés à ne jamais se rencontrer. Tout en vivant un peu comme dans des univers parallèles.

Face-à-face.

Parfois.

Mais incapables de se dire ne serait-ce qu’un mot. Parce que peu importe ce qui serait dit, tout semblerait emprunté. Ou encore, comme si nous tentions de sortir les dialogues d’un film…

Ce serait alors un peu comme Ingrid Bergman dans Casablanca qui échangerait soudainement avec DiCaprio dans Titanic…

Tous deux dans un discours sans liens.

Mais bien sur, je ne suis pas Ingrid Bergman!

Alors, pour tenter de fuir, l’espace d’un instant, cette vie dans laquelle j’ai parfois le sentiment de courir sans arrêt; pour oublier ces trois années pendant lesquelles, bien naïvement, l’Homme de la maison et moi nous sommes imaginés pouvoir nous improviser propriétaires de duplex, avec tout ce que cela implique de « surprises » (les locataires qui ne paient pas, les fenêtres à changer, les contracteurs à qui demander des soumissions, etc). Pour oublier, surtout, toutes ces obligations qui me sont tombées dessus, en même temps que l’étiquette de femme maintenant adulte et sérieuse qui vient avec la quarantaine… Je me suis mise à imaginer la vie de cet « autre ».

Un être dont je ne sais rien. Qui me regarde et que je regarde, le temps d’une infinitésimale seconde. Comme un acte qu’on a pas su contenir. Un peu comme si, lui comme moi, comme dans un effet de miroir, me voyait comme à travers une glace.

Lui, aussi, à la recherche de réponses dans la vie de cette inconnue que je représente alors.

Et dont il ne sait rien.

Un homme. Ni beau. Ni laid. Tout juste un regard qui prend toute la place. Et de qui je me plais à imaginer la vie. Une femme. Des enfants. Un boulot qu’il n’a pas nécessairement choisi. Mais qui s’est plutôt imposé. Parce que, comme son père avant lui. Et ou parce que comme Astérix, il est tombé dedans quant il était petit. Lui aussi ayant parfois ce sentiment d’être aujourd’hui  prisonnier d’une vie trop bien rangée. Et de laquelle, selon les conventions sociales, rien ne doit jamais dépasser de ce jupon que l’on s’évertue pourtant à cacher. Comme si nous imaginions, bien naïvement chacun de son côté, être seul de l’univers a avoir une vie beaucoup moins lisse que nous voudrions le laisser croire…

Et puis?

Je me laisse alors emporter par mon imagination. Analysant le moindre de ses faits et gestes. Ce regard insistant? Celui-d’un psychopathe dans le coffre de voiture de qui je me retrouverai démembrée si je n’y prends garde? Ou encore, le simple résultat d’une erreur sur la personne? Du genre de celui qui, affublé de troubles de vision, est convaincu de vous avoir vue quelque part? Et qui ne parvient pas à se souvenir ou…

Dans une autre vie, peut-être. Ou dans un rêve. Le rêve, sans forme lui aussi. Comme les pensées de l’inconnu en cet instant.

Ou encore?

Ce sourire. Une fois sur deux. De ceux qu’on échappe presque par accident. Et qui semblent s’illuminer presque comme par magie en une impulsion incontrôlée.

Avant de réaliser que non. Il ne vous connaît pas. Et que par conséquent, il doit refréner ce sourire qu’il n’a pas su retenir.

Littéralement pris en flagrant délit.

Tout cela alors que le reste du temps, il semble déterminé à retourner dans son anonymat. Pour preuve, cet air froid et impénétrable dont il s’accompagne et qui vous ramène à cette évidence que deux mondes vous séparent.

Comme ces personnages, chacun dans son univers bien distinct, et qui n’ont même pas en commun une même histoire.

Et alors?

Je reviens à ma vie. Une vie pas si beige finalement. Ni même si tragique. Une histoire que je me plaie à inventer. Comme ces écrivains moins organisés que d’autres, et qui n’ont vraiment aucune idée de l’endroit ou leurs personnages les mèneront. Du chemin, plus ou moins sinueux que ceux-ci ont entrepris de suivre pour se rendre au mot fin.

Et puis encore ?

Je me tourne vers cet amoncellement de boîtes qui n’attendent que mon bon vouloir. Des cartons que je remplirai de ma vie qui se transportera d’ici quelques jours ailleurs.

Comme un nouveau chapitre. Qui s’ouvre sur un avenir meilleur…

Mais encore abstrait pour l’heure.

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