Discours intérieur,  réflexion

L’intangible

Crédit: Photo-libre.fr

J’ai toujours été fascinée par ces petites choses que l’on pourrait qualifier d’intangible.

Et qui, d’une façon un peu mystérieuse, jalonnent nos vies.

Mais qui finalement, passent la plupart du temps complètement inaperçues tellement nous y portons peu d’attention.

Héritage de ma grand-mère algonquine, du côté de mon père ? Ou encore, de mon grand-père du côté maternel, celui qui a passé sa vie à planter des arbres ? Les deux fort probablement.

Du moins, j’aime à le penser !

Car c’est un fait que j’ai toujours été attentive à ces petits phénomènes auxquels la plupart des gens n’accordent qu’une importance anecdotique. Les feuilles d’arbres par exemple qui, juste avant la pluie, se tournent à l’envers. Ou encore, la forme du ventre d’une femme enceinte qui, porté droit en avant donne à penser que ce sera un garçon. Ou encore, qui débordant de chaque côté, préfigure l’arrivée d’une fille…

Des histoires de grands-mères comme les appelle toute personne avec un esprit le moindrement plus «cartésien» que le miens…

N’empêche ! J’ai beau me diriger lentement mais sûrement vers la cinquantaine, je n’ai jamais pu me faire à l’idée que ces «choses-là» ne soient rien d’autres que des balivernes pour endormir les enfants!

*****

Ce n’est que ces dernières années, comme j’en ai d’ailleurs abondamment parlé ici sur le blogue, que je me suis résolue à me «réconcilier» avec ma famille paternelle. La vérité étant que depuis mon plus jeune âge, j’avais fermement rejeté tout ce qui pouvait venir, tant de mon père lui-même que de sa famille dans sa définition la plus large.

J’ai bien sur toujours porté son nom mais là s’arrêtaient toutes références à mon héritage génétique paternel. Tellement que lorsque je suis arrivée à Montréal pour poursuivre mes études en 1987, le plus grand bénéfice que j’y voyais à l’époque c’était d’être par défaut la fille de personne. Personne ici en effet ne sachant rien de mes déboires familiaux, personne ne connaissant qui que ce soit de mon passé.

Mon avenir m’aparaissant alors un peu comme une immense page blanche sur laquelle je pouvais sans crainte me réinventer. Rien de moins que tout un côté de mon identité que je pouvais ainsi nier et cela, impunément.

Un peu naïvement, je suis forcée de l’admettre aujourd’hui!

C’est pourquoi lorsque j’ai commencé à faire certaines recherches sur mon père et que j’ai été devant cette décision de savoir si j’acceptais de revoir cette  tante, sœur de mon père que je n’avais pas vue depuis au moins 35 ans (aux funérailles de mon père!), je me suis sentie, l’espace d’un instant prise d’un vertige, comme paralysée par cette peur presque irraisonnée de jouer avec une boîte de Pandore. Consciente en une fraction de seconde que ce « retour en arrière », c’était un peu comme de marcher aux abords d’un précipice…

J’avais passé tellement d’années à tenter de me convaincre que je n’avais pas besoin d’eux ! Que je n’avais rien à voir avec eux !

Et si en renouant avec eux, je réalimentais le « manque » ?

*****

J’ai toujours été fascinée par ces petites choses, que l’on pourrait qualifier d’intangible et dont on peut facilement douter tant elles sont loin d’être scientifique!

Et qui, d’une façon un peu mystérieuse, jalonnent nos vies.

Un peu, j’en ai toujours eu l’impression, comme des « clin-d’œil » de l’invisible qui nous en disent plus sur nous-même qu’on veut bien l’admettre!

Bien sur, je n’ai jamais espéré convaincre qui que ce soit de cette vérité-là !

Sauf que j’ai toujours vu comme un réconfort immense ces signes qui, en ce qui me concerne, m’ont toujours un peu guidé.

Dès ma naissance, n’ais-je pas « adopté » illico mon grand-père maternel que j’ai voulu voir comme un père de remplacement? À preuve, un peu comme un signe ayant poids de confirmation absolue, ma main gauche privée de paume!  Comme si j’avais ainsi voulu signifier ma loyauté et mon acceptation de sa filiation envers ce grand-père qui à l’adolescence avait perdu son pouce gauche alors qu’il travaillait à la scierie!

Un peu comme si au moins cela, j’avais eu le pouvoir de le choisir !

Hasard ?

Peut-être bien !

N’empêche, c’est en vérité tout mon côté gauche qui depuis ma naissance, un peu à l’image de cet héritage paternel que j’ai rejeté en bloc,  a toujours été comme laissé à lui-même.

Un peu comme si je l’avais – lui aussi! – rejeté d’office..

Une scoliose de naissance qui fait en sorte que j’ai toujours eu des problèmes de dos, fragilisant mon côté gauche.

Une chute dans un escalier glacé, un matin de janvier 2007, au cours duquel je me suis fait une double fracture…du poignet gauche.

Mon incapacité totale de dormir, couchée sur mon côté gauche.

Une main gauche privée de paume, laissant comme « handicapé » un pouce qui ne me sert à rien…

Et puis, au-delà de mon corps, cette incapacité pendant des années d’obtenir du succès en amour et au travail en même temps.

Tout cela, un peu comme le symbole – intangible, impalpable, immatériel  –  de mon incapacité à faire cohabiter toutes les facettes d’une identité à jamais fragmentée.

2 commentaires

  • Yasmine

    « Tout cela, un peu comme le symbole – intangible, impalpable, immatériel – de mon incapacité à faire cohabiter toutes les facettes d’une identité à jamais fragmentée. »

    Mais n’est-ce pas cela le propre du cheminement de TOUTE une vie, chère Marie ???

    Bises et lumineuse journée à toi 🙂

    • Marie

      Bonjour Yasmine !

      Tu as tellement raison ! Se trouver soi-même et arriver à vivre avec toutes nos facettes, ça demeure un grand et riche défi!

      Une magnifique journée à toi aussi 🙂

      Marie

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