Peurs
Je n’ai jamais eu peur de la mort.
Mais de tout le reste.
Tout ce qui se trouve avant ce final et irrémédiable point tournant que constituera mon dernier souffle.
Le noir la nuit;
De l’inconnu dans l’ombre et des monstres sous mon lit;
Du demain à peine esquissé tout autant que de l’hier, irrévoquable;
De me tromper ou d’échouer tout autant que de n’avoir pas essayé;
D’être seule et de finir oubliée;
De perdre la mémoire, puis la tête, dans l’ordre ou dans le désordre;
De partir sans être parvenue à jeter sur papier jusqu’à mon dernier mot;
D’aimer, trop ou pas assez;
D’être «trop» et ne pas avoir su être «assez»;
De manquer de temps et d’air;
Des orages et des tempêtes;
Du vide est des trous noirs;
Des nuages noirs sur ma tête;
Que le soleil ne revienne pas;
De m’égarer;
De perdre ma route et ne pas savoir la retrouver;
De tout, de rien;
De toi, de moi;
Des émotions qui me submergent et dans lesquelles je me noie;
De la froideur du monde qui m’entoure;
D’être incomprise;
Mal-aimée;
D’oublier qui je suis;
De faire l’erreur d’être quelqu’un d’autre;
De tout ce que j’imagine…
tout autant que de ces certitudes que je n’aurai jamais.
Non, je n’ai pas peur de la mort
Mais de tout le reste.
Ce qui se trace, à l’encre indélébile
avant que ne s’écrive, en un éventuel présent, mon point final.