Reflets dans un oeil d’homme: Désolée de ne pas être sur la même longueur d’onde que vous, Mme Huston!
Voilà pourquoi j’ai décidé, après bien des tergiversations, de remettre ici la version originale de ce billet qui avait été modifié à quelques reprises en cours de semaines….Vous comprendrez sans doute pourquoi en le lisant…
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« Reflets dans un œil d’homme » de Nancy Huston. Il y avait un bon moment déjà que je souhaitais vous parler de ce livre. Car lorsque cette auteure publie un bouquin, bien sur, je m’élance en librairie pour le lire au plus vite!
« Plus on a eu une enfance instable, plus on a vécu dans l’insécurité, plus on est en proie aux doutes quant à l’amour que l’on mérite et à l’avenir qu’on va pouvoir se construire, plus on aura tendance, à la puberté, à chercher le sens dans la prise de risque. Chacun prendra les risques propres à son sexe, en exacerbant les signes et comportements typiques de celui-ci. La fille s’efforcera de briller par la beauté et le sex-appeal, prenant le risque de se faire tabasser, violer, assassiner. Le garçon tentera de briller par l’audace et la dureté, prenant le risque de se faire coffrer ou tuer. À l’horizon, deux paradigmes: la pute et le caïd. » (pages 63-64)
« Rien de plus banal que de voir un garçon en mal d’être emprunter le chemin de la violence et de la transgression. L’évolutionniste David Buss se demande: « Comment la pression de la concurrence reproductive à laquelle sont confrontés les hommes explique-t-elle les formes typiques de la violence masculine? Prenez le cas d’un homme qui a peu de ressources et un statut social médiocre, et qui, du coup, est sans intérêt pour les femmes. Dépourvu de tout ce que désirent les femmes, il est engagé dans une impasse sur le plan reproductif. Comme il n’a rien, il n’a rien à perdre. La violence devient un moyen très tentant pour améliorer ses perspectives. (…) Il adopte un comportement de prise de risques. (…) Voilà pourquoi, à travers l’histoire humaine, les guerriers, aventuriers et explorateurs viennent si souvent des rangs des hommes ayant peu de stratégies alternatives pour se procurer les avantages du statut et des ressources. Et voilà pourquoi les hommes tout en bas de l’échelle reproductive recourent plus souvent à la violence » (page 67)
« Si l’on ne croit pas à la différence des sexes, on pourrait ultimement faire un tour dans les prisons: dans le monde entier, la population carcérale est masculine à 90%. … Pour peu que l’on regarde le monde autour de soi, on voit que la différence des sexes y est partout inscrite, de façon flagrante et souvent douloureuse. Il y a des souffrances spécifiques aux garçons (ce sont eux, de façon prépondérante, les sans domicile fixe, les détenus, les toxicomanes, les accidentés de la route, les suicidés…) et aux filles (ce sont elles les violées, les prostituées, les battues, les excisées» (Pages 68-69)
« Quelques mois plus tard, O. m’a écrit pour me dire qu’elle avait fait une nouvelle tentative de suicide et se trouvait en clinique psychiatrique. Je suis allée la voir à nouveau et, cette fois, elle m’a parlé de son enfance. À peu près tous les facteurs dont je me disais qu’ils favorisaient une scission grave entre « moi » et « mon image » s’y trouvaient réunis: déménagements fréquents; sensation de sables mouvants; disparition d’un parent, dont on se sent coupable, responsable. On se dit que si l’on respire on provoquera la disparition de l’autre parent. On devient donc une petite fille « facile », coopérative, arrangeante, toujours prête à voir les choses du point de vue de l’autre. « Si vous voulez…! » Sans pouvoir se demander de que l’on veut, soi; sans même qu’il y ait vraiment, quelque part, un soi pour vouloir. » (Page 219)
Je lui aurais alors raconté que pendant mon enfance, j’avais moi même déménagé tellement de fois qu’un jour, ma mère avait décidé d’arrêter de compter. Ce jour-là, nous en étions à notre trente-deuxième déménagement. Et ce ne fut pas le dernier…
Et puis, je lui aurais aussi raconté que les « sables mouvants » dont elle parle, j’en avais eu mon lot, moi aussi. Témoin de la violence de mon père envers ma mère alors que je n’avais que quatre ans. Et me souvenant encore aujourd’hui de toutes ces fois ou nous avions du nous cacher chez une tante ou une autre. Nous étant même arrivé de vivre caché dans le grenier d’une grand-tante pendant des semaines, de peur que mon père ne nous trouve. Puis des années plus tard, dans un centre pour femmes battues lorsque ma mère a quitté son deuxième mari…. Cela, avant l’arrivée dans le décor du troisième…
Ainsi selon vous, Madame Huston – lui aurais-je dit!- étais-je donc destinée à devenir une « petite fille facile, coopérative, arrangeante, toujours prête à voir les choses du point de vue de l’autre » ?
Désolée Mme Huston. Cette fois ci, vous êtes royalement à côté de la plaque !
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Il y a de ces hasards parfois…
Ainsi, tout juste ici, dans un billet publié il y a quelques semaines, je faisais cette liste des choses que je souhaiterais faire/réaliser ou accomplir un jour, peut-être…
Au point 6, je souhaitais justement (en fantasmant un peu bien sur !) prendre un jour un café avec Nancy Huston, histoire de discuter bouquins….
J’ai comme l’impression que ça ne risque plus de se produire n’est-ce pas 😉
Mais advenant qu’elle passe un jour par ici, (on peut toujours rêver n’est-ce pas ?), je serais heureuse alors de lui faire découvrir une autre version du monde. Un peu moins morose que celle qu’elle dépeint dans ce dernier livre…