La vie au temps du Coronavirus

Retenir son souffle

Je ne sais pas pour vous mais pour ma part, j’ai l’impression de retenir mon souffle depuis des mois maintenant.

Huit mois sans respirer. En me disant que tout cela, ce n’est que temporaire. Qu’un tout petit effort permettra de juguler cette immense vague pandémique. Une vague qui à l’image d’un tsunami, fait pourtant tanguer la planète entière.

Un peu, peut-être aussi, comme un immense raz-de-marée devenu ras-le-bol collectif depuis.

Huit mois à retenir son souffle. Comme si en se retenant de respirer suffisamment longtemps, le bruit ambiant se calmerait forcément.

***

Hier j’ai appris deux nouvelles qui me sont entrées dedans avec la force d’un camion d’au moins trois tonnes.

D’une part, j’ai eu la confirmation que je resterais en télétravail au moins jusqu’en juin 2021. Isolée sur mon petit bateau jusqu’à la fin des temps. Et, même si honnêtement ça n’a pas été une grande révélation – la vérité c’est qu’il faut faire un peu de déni je pense pour ne pas imaginer déjà que ce sera tout 2021! – ça m’a donné un coup.

Le deuxième coup m’est venu quant à lui en apprenant, hier aussi, le décès, à 104 ans, de la grand-mère de l’Homme de la maison. 104 ans direz-vous c’est une belle vie! Je ne peux qu’être d’accord là-dessus. Mais m’a ainsi frappée, aussi avec la force d’une tonne de briques, cette évidence que vivre jusqu’à 104 ans pour finir sa vie isolée dans une province aux frontières fermées (elle habitait au Nouveau-Brunswick), et mourir sans la présence de ses proches, ce n’était décidément déjà plus vivre.

Et cela depuis des mois…

Alors au climat de lourdeur généralisé causé par la pandémie, s’ajoute cette autre lourdeur. Celle de ne pas pouvoir accompagner nos proches dans leurs derniers moments de vie. De devoir en plus accepter cette idée de ne même pas pouvoir se rendre sur place pour leur rendre un dernier hommage. Et d’être finalement, par la force des choses, forcés de juste balayer la peine sous le tapis. Un peu comme un dommage collatéral, un élément tout juste anecdotique qu’il peut sembler presque inopportun d’exprimer…

Et le plus pathétique de toute cette histoire ?

À 104 ans, ce n’est même pas la covid qui l’a emportée. Car après avoir survécu à la grippe espagnole, à deux guerres mondiales, à la grande crise économique des années trente, à la longue maladie de l’homme de sa vie qui a été atteint de Parkinson, puis à sa mort, cela sans parler de toutes les turpitudes survenues en plus de dix décennies de vie, c’est probablement un peu tout banalement l’ennui, l’isolement et la solitude qui auront eu raison d’elle…

Mais peut-être aussi, cette impression de vivre rien de moins que la fin du monde….

***

Je le disais au début de ce billet. Huit mois sans respirer. Chacun de nous se disant que tout cela, ce n’est que temporaire. Qu’un tout petit effort permettra de juguler cette immense vague pandémique. Une simple «vague» qui à l’image d’un tsunami, fait pourtant tanguer la planète toute entière.

Mais au final, je me le demande. En prétendant vouloir sauver des vies, ne faisons-nous pas que nous leurrer tous autant que nous sommes? Parce que – c’est ça qui est bien platte n’est-ce pas? – le prix à payer pour vivre….ça se résume probablement et au final à bien peu de choses.

Respirer n’étant certainement pas la plus optionnelle d’entre toutes.

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