Traité culinaire à l’usage des femmes tristes – de l’art de jouer du regard
C’est probablement un secret de Polichinelle que ma bibliothèque regorge de livres aux titres les plus improbables, sur les sujets les plus contradictoires. La vérité c’est que j’aime les livres et que je suis curieuse de tout.
Néanmoins, s’il existe un grand classique dans ma bibliothèque, c’est bien ce livre du Colombien Héctor Abad Faciolince qui dans son « Traité culinaire à l’usage des femmes tristes« , nous livre ses secrets pour faire face à notre époque qui carbure à la course, souvent épuisante, au bonheur. Et cela, avec un humour auquel je vous mets au défi de résister!
Ici, un extrait dans lequel on parle de l’art de jouer du regard…
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« Peu de femmes ignorent l’art des yeux: j’ai nommé le regard. Soit elles l’apprennent en regardant, soit elles le possédaient déjà dans le ventre de leur mère et le maîtrisaient à la naissance. Pour l’éclat du regard, voici une recette d’une efficacité probable et d’une nocivité improbable. Il s’agit de se rincer les yeux avec une solution de deux pincées de sel par litre d’eau bouillie. Je sais, c’est une chose tellement simple que tu vas la trouver magique. La simplicité inspire la méfiance: c’est la raison pour laquelle sorciers, guérisseurs et médecins passent leur temps à inventer des formules et des conjurations plutôt redondantes: personne ne croit à la simplicité.
Lave-toi donc les yeux comme je l’ai dit, et prononce en même temps cette incantation mystérieuse: Chatoyant orgueil, chatoyant chevreuil, baille-moi la lumière de l’oeil!
Plus nettes seront les couleurs de ton iris, plus transparente ta cornée, plus libres tes cils, plus blanc le blanc qui cerne le prisme le plus brillant de ton cristallin. Ton regard en sera tant illuminé que ceux qui apercevront tes pupilles l’espace d’un instant n’auront plus qu’à papilloter des paupières de saisissement. »
(Héctor Abad Faciolince, « Traité culinaire à l’usage des femmes tristes« , pages 21-22)