8 secondes dans la vie d’un poisson rouge
Les montres molles de Dali (ou Persistance de la mémoire), vous connaissez? Cette oeuvre du célèbre peintre surréaliste qui a un jour imaginé pouvoir représenter le temps qui fuit à travers cette image de montres aussi molles que de la guimauve. Et qui sur un paysage un peu désertique, n’en finissaient pas de fondre, de s’étendre et de s’étirer presque à l’infini. Un peu comme les dimanches de mon adolescence qui n’en finissaient plus eux non plus de finir alors que je n’avais moi qu’une envie.
Celle de retrouver mes amis le lundi matin.
Parfois, dans une tentative de revenir au «ici et maintenant», un peu dans un processus ayant sans doute à voir avec ce que certains seraient tentés d’appeler la «pleine conscience», j’essaie de m’arrêter, ne serait-ce que trois secondes et quart, pour tenter de figer le temps. Et chaque fois, j’en vient à me demander si le temps qui rallonge et qui n’en finit plus de finir, celui qu’on calcule en secondes ou qu’on donne sans compter, celui qu’on cherche, qu’on perd, qu’on retrouve parfois ou qui nous laisse cruellement en manque, ce n’est pas comme devenu un peu «vintage»…. À l’image de ces bons vieux téléphones à roulette de jadis qui nous donnent des airs de dinosaures lorsqu’on y fait référence aujourd’hui.
Parce que clairement le reflet d’une époque révolue depuis bien longtemps….
Car je ne sais pas pour vous mais en ce qui me concerne, j’ai le sentiment de passer mes journées à courir après mon temps. À cocher «fait» sur cette interminable liste de choses à faire. Et dont je n’arrive jamais à voir le bout. Des journées entières passées à courir après ma queue comme un chien fou qui tourne sur lui-même. Avec le sentiment, un peu paradoxalement, d’avoir de plus en plus de difficulté à arriver au bout d’une simple tache.
Par exemple? Écrire. Lire. Penser.
Cette semaine je suis tombée sur cet article dans lequel on se demande justement si de nos jours, ne ne serions pas dans les faits devenus plus distraits et moins productifs que jamais.
Un article vraiment percutant je trouve dans la mesure ou on y apprend que le temps de concentration moyen de l’être humain serait passé d’environ douze secondes au débuts des années 2000… à tout juste huit secondes dix-sept ans plus tard, en cette prétendue « modernité numérique » qui est la nôtre.
Et, je suis bien loin d’être convaincue que ce soit une (r)évolution lorsqu’on apprend du même coup que la capacité de concentration d’un poisson rouge est pour sa part de …neuf secondes !
Misère ! C’est dire que même un poisson rouge fait mieux que nous lorsqu’il est question de se concentrer sur quoi que ce soit !
Mais dans les faits, qui pourrait nier qu’aujourd’hui, nous sommes vite happés, pris entre les douze millions de courriels qu’on reçoit chaque jour, le téléphone portable qu’on consulte de façon presque frénétique (au cas ou on aurait manqué quelque chose de «vraiment urgent et important»!), la page Facebook parmi notre liste interminable de comptes de médias sociaux sur lesquels on jette un oeil plus ou moins distrait presque autant de fois (question de garder le contact avec nos proches). Et là bien sur, je ne parle même pas de la petite lumière de notifications clignotante qui vient nous rappeler à l’ordre avec l’efficacité d’un fouet. Et cela, le jour tout autant qu’en plein milieu de la nuit…
Car voyez-vous, une photo de panda qui joue au Jedi, ça n’attends pas !
Aujourd’hui, c’est l’évidence qu’il relève presque du fantasme que d’imaginer pouvoir se concentrer sur quoi que ce soit plus de 8 huit secondes (ou même 9 dans le cas ou nous serions vraiment déterminés à ne pas se laisser avoir par un poisson rouge!).
Et dans ce cas-là, c’est parfois qu’on est franchement chanceux!
Je l’avoue! Depuis quelques temps, je peine à trouver le temps d’écrire. Et plus encore, celui que je pourrais me permettre de perdre. Et pourtant, lorsque je regarde ce que j’accomplie réellement dans une journée, je me dis que dieu du ciel, il est presque inconcevable que je ne parvienne pas à libérer ne serait-ce qu’une petite trentaine de minutes pour écrire ! La chose étant fort probablement et tout au plus une question de gestion de mes priorités.
Mais le drame, c’est que je n’y parviens pas toujours.
Ou, pour être honnête, que j’y parviens rarement.
Alors je me le demande ! Peut-on encore parler d’évolution de l’humanité ? Et celle-ci est-elle vraiment destinée à être dépassée par un simple, banal et insignifiant poisson rouge ?
Dieu du ciel! Garçon ! Qu’on amène mon bocal !