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Bad Girl, de Nancy huston

Chose promise, chose due ! Voilà que je me suis attaquée au dernier livre de Nancy Huston, une auteure dont je suis fan depuis de nombreuses années et de qui j’ai à peu près tout lu… Et avec qui dans mes rêves les plus fous, je me permet parfois de rêver de prendre un café. Comme les enfants qui dans un magasin de jouets, s’imaginent pouvoir avoir tout ce bazar juste pour eux…

Même cinq minutes!

Une auteure que je continue de suivre assidûment! Et cela même si certains de ces livres m’ont un peu moins rejointe. Comme cela avait notamment été le cas avec son essai Reflets dans un oeil d’homme dont j’avais d’ailleurs parlé ici

Avec une certaine réserve… dirais-je !

Comment ce plus récent livre aurait-il pu alors ne pas figurer parmi mes coups de cœur, je vous le demande ! Parce qu’une classe de littérature, Mme Huston nous en sert ici toute une, et non la moindre !

Mais commençons par le début, n’est-ce pas ?

Comment décrire ce dernier livre autrement que comme un mélange de biographie et de leçon d’écriture ou ces deux éléments se conjuguent au moyen d’une simple question: comment devient-on écrivain ? Quels sont ces facteurs improbables qui transforment une enfant née dans l’Ouest du Canada au milieu du XXième siècle en une romancière et essayiste bilingue et parisienne?

D’office et/ou d’entrée de jeu, Huston se trouve un personnage digne d’être son alter-égo. En préface, ces quelques lignes qui déjà, plantent le décor:

 «Toi, c’est Dorrit. Celle qui écrit. Toi à tous les âges, et même avant d’avoir un âge, avant d’écrire, avant d’être un soi. Celle qui écrit et donc aussi, parfois, on espère, celui/celle qui lit. Un personnage»

Donc d’office, c’est au fœtus que la femme a été que l’auteure s’adresse tout au long de son livre et cela, jusqu’au point culminant ou elle est expulsée du sein de sa mère, au moment de l’accouchement de cette dernière. Un long dialogue à travers lequel l’auteure raconte à la femme qu’elle deviendra, son histoire.  Car pour comprendre, l’auteure nous ramène à l’essentiel: l’arbre – généalogique celui-là – duquel nous sommes né(s). Et cela, peu importe que trop souvent, nous nous sentions comme une feuille au vent, ballotée par les éléments….

«Notre cerveau, langue, sensibilité, personnalité, nos opinions et sentiments sont façonnés par les êtres qui, pendant l’enfance, nous ont parlé et chanté, bercés et disciplinés. Or souvent, ces êtres ont vécu des choses atroces. Personne n’est libre de tirer un trait et de dire: Le monde commence avec moi, ici et maintenant.» (page 41)


Comment ne pas deviner alors que son tableau de famille ait été des plus particuliers ? Un arrière-grand-père fou à lier (tiens donc, le miens est mort à l’asile en 1918!), grand-père pasteur, tante missionnaire, grand-mère féministe, belle-mère allemande, etc…

Quant à moi, je me suis un bon moment questionnée sur ce prénom que l’auteure avait choisi de donner  personnage à qui elle s’adresse tout au long de l’histoire: Dorrit.

«Dorrit» comme dans «La petite Dorrit», douzième roman de Charles Dickens en son temps… Oeuvre que certains analystes ont ainsi décryptée:

«la passivité du héros et de l’héroïne, la complication et l’obscurité de l’intrigue relative à l’héritage perdu, la noirceur du tableau social rendent cette histoire à la fois sombre et ambiguë. Elle se présente, en effet, comme une sorte d’anatomie de la société victorienne qu’obsèdent la richesse et le pouvoir, qu’enserre un corset de traditions profitant aux classes dites privilégiées et que plombe une religion oppressive et stérile. La lutte que mènent Amy Dorrit et Arthur Clennam pour se libérer de ces chaînes sociales, la rédemption finale et l’espérance nouvelle ne suffisent pas, selon lui, à lever le voile de ténèbres dont l’œuvre semble enveloppée» (Source).

Il m’est apparu impossible dès lors de ne pas voir la source de l’inspiration de Huston dans l’œuvre de Dickens. Parce qu’ici, c’est bien de cela qu’on parle: de luttes de classes enserrées par un corset de traditions qui profitent aux classes considérées comme privilégiées. Classe dont ne faisait pas partie la famille de Huston. N’avoir pas d’argent étant clairement une humiliation, comme l’auteure  le dit elle-même dans un passage.

Je l’avoue, à partir du moment ou j’ai pu faire le parallèle avec l’œuvre de Dickens, c’est toute la richesse de l’écriture de Huston qui m’est apparue encore plus éclatante. Parce que comme je l’avais toujours pressenti,  rien, aucun détail n’est jamais gratuit ou anodin dans les écrits de cette auteure qui chaque fois, me fascine !

Bien sur, il est tout à fait possible que si l’auteure se trouvait là devant moi, me dirait-elle peut-être que je suis complètement à côté de la plaque ! Mais n’est-ce pas un peu cela la littérature ? Être des dizaines à lire une oeuvre (un peu plus quand même en ce qui concerne les livres de Mme Huston!), et chacun, y voir quelque chose que l’auteure n’avait peut-être même pas elle-même pensé !

Une auteure que j’ai par ailleurs croisée dans une librairie montréalaise il doit bien y avoir une quinzaine d’années déjà (peut-être était-ce il y a plus longtemps ? C’était pour le lancement de L’empreinte de l’ange), et qui, je m’en souviens encore, avait été surprise en signant mon livre d’y découvrir tous ces passages surlignés de jaune fluo…. Ces extraits que, comme je lui avais confié alors, je me serais «mourue» de les avoir moi-même écrit !

Car c’est cela je pense la richesse de chacun des livres de Nancy Huston: cette certitude qu’on pourrait en faire trois fois le tour et sentir qu’encore, un pan de sa mécanique littéraire nous échapperait toujours!

Fan finie ! Vous l’avais-je dit?

(*«mourue» comme dans Mourir. Ne cherchez surtout pas cela dans le dictionnaire, vous perdriez votre temps 😉

2 commentaires

    • Marie

      Bonjour ! Bienvenue sur mon blogue 🙂 Je suis une grande admiratrice de Nancy Huston et moi aussi j’avais bien aimé Lignes de faille ! Mon préféré demeurant toutefois L’empreinte de l’ange. Elle écrit magnifiquement !

      Marie

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