Brouillard
J’aurais peine à l’expliquer mais je me sens ce matin super intimidée devant mon clavier.
J’imagine que l’écriture c’est un peu comme la bicyclette n’est-ce pas? Moins on l’utilise, plus on se met à douter de pouvoir la faire rouler de nouveau. Mais, si je me fie au dicton, il semblerait que ce soit supposé revenir rapidement.
Non ?
Alors me voilà. Assise devant mon clavier. Au cœur de la nuit, me semble-t’il.
Parce que, qu’on se le dise. Avec l’automne qui semble définitivement avoir pris ses quartiers, voilà revenus ces enfilades de petits matins ou même le soleil semble soudainement moins excité à l’idée de se lever. Intimidé peut-être par ces journées de pluie qui se suivent comme à la queue leu leu.
À preuve, ce déluge dont le tintement a remplacé le tic tac de mon réveil ce matin.
Et puis, il faut le dire aussi. Les temps actuels plombent sérieusement toute créativité!
Comment, en effet, demeurer de marbre devant ses infos qui tantôt nous racontent en France la décapitation d’un professeur, coupable d’avoir parlé de liberté d’expression en classe. Ou qui ailleurs, nous parlent de ces boueuses et imminentes élections américaines dont la crainte des résultats éventuels fait trembler le monde. Parce que de l’autre côté de la frontière (mais ailleurs aussi, il faut le dire), ce qui fait tranquillement son chemin ces jours-ci, c’est l’intolérance.
Et cette intolérance, elle prend différents visages, à l’image des nôtres, ceux qu’on ballade partout masqués sur la planète en ce début de décennie.
Intolérance face au droit des femmes de décider pour elle-même lorsqu’il est question d’avortement. Intolérance face aux idées qui ne sont pas les nôtres. Intolérance face à l’autre lui-même. Et je ne parle même pas ici de ces mots qu’on a même plus le droit de prononcer. Au risque d’être la cible d’excommunication sociale pure et simple…
Et d’un coup, on se retrouve à l’ère des extrêmes. À l’image d’un terrain de boxe. Et au programme, semble-t’il, ce sont les blancs contre les noirs. Les pro-masques contre les anti-masques. Les femmes contre les hommes. Les pro-choix contre les pro-vie. Les amateurs de la vérité et de la science contre les complotistes de tous genres. La gauche contre la droite.
C’est la fin du gris et de la nuance et le milieu a cessé d’être une option. Pas le choix. Il faut choisir son camp. Parce que très certainement, et à n’en pas douter, ça va saigner.
Alors voilà. Depuis des mois j’ai l’impression d’être entrée dans un genre de brouillard indéfinissable et sans fin. Mais je me concentre sur cette idée que tout fini par avoir une fin. Le bon comme le moins bon. Les cycles comme les époques. Et qu’inévitablement, le balancier, comme le vent, finit lui aussi par changer de direction.
Et que, comme dans les livres, on finira bien par changer de chapitre.