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Caroline ou lorsque la conciliation travail-famille devient tout un défi

Caroline en compagnie de son fils

Être femme aujourd’hui, je me dis souvent que ce n’est pas forcément plus facile que ce l’était pour nos grands-mères jadis. Les choix sont dans certains cas juste un peu différents. Mais de façon générale, nous sommes encore soumises aux mêmes éternelles questions.

À savoir. Comment se réaliser en tant que personne tout en étant mère. Avec toute la «gymnastique» que ça impose pour concilier les deux.

Et la chose peut parfois prendre différents degrés de subtilités selon la position géographique où l’on se trouve sur la planète. Mais surtout, dépendamment du niveau de conformisme au modèle dominant auquel nous sommes disposées à nous plier.

Ou pas.

C’est pourquoi il y a vraiment longtemps que j’avais envie de vous parler d’elle, Caroline, la nièce d’une de mes meilleures amies, Karla. Parce qu’elle m’inspire tant dans les choix de vie qu’elle a fait que dans la façon qu’elle a trouvé de concilier tout cela. Une façon qui me semble particulièrement audacieuse, même dans notre société actuelle qui a pourtant beaucoup évolué à certains niveaux. Mais pas tant de façon générale. Et cela, même ici au Québec, un endroit pourtant beaucoup plus progressiste que bien d’autres sur la planète.

D’abord, Caroline qui est née en Abitibi, dans le Nord du Québec vit aujourd’hui dans une petite ville de moins de 1000 habitants, dans la Vallée de l’Okanagan en Colombie-Britannique. C’est ainsi dans l’extrême Ouest Canadien qu’elle a choisi de s’installer avec sa famille. Mais – et le «mais» prend toute son importance ici – elle n’y vit que la moitié du temps parce que son lieu de travail est ailleurs, presque à l’autre bout de la planète. Plus précisément ? Dans la province de Chukotka, un district fédéral extrême-oriental, à l’extrémité nord-est de la Russie. Une région bordée par la mer de Sibérie Orientale et par la mer de Béring.

Lorsque nous nous sommes parlé par Skype il y a quelques temps, il était 21h ici à Montréal alors qu’il était déjà midi le lendemain pour elle. C’est vous dire !

Sa profession ? Ingénieure minier, un métier dans lequel, inutile de le dire, on retrouve très peu de femmes. N’empêche, Caroline a ainsi été amenée à travailler sur divers chantiers sur la planète, que ce soit ici au Canada, mais également aux États-Unis ainsi qu’en Mauritanie. C’est d’ailleurs alors qu’elle avait obtenu un contrat aux États-Unis il y a quelques années qu’elle a rencontré celui qui allait devenir son mari, nul autre que le douanier. Comme quoi, passer les douanes, ça réserve parfois bien des surprises !

Là où cette fille suscite toute mon admiration c’est que tout cela, les particularités de son boulot versus celles de sa vie personnelle, ça ne l’a pas découragée d’avoir des enfants. Et cela, malgré toutes les contraintes qu’on peut aisément imaginer, en premier lieu la fameuse conciliation familiale.

Dans les faits, elle part six ou sept semaines, puis reviens auprès de sa famille pour quatre semaines. La première évidence c’est qu’elle n’est pas auprès de son fils, maintenant âgé de trois ans et demi, plus que la moitié du temps. De sorte que son mari et elle ont dû prendre une Nanie qui réside chez eux à toute l’année, une fille au pair Australienne qui peut ainsi faire ce qu’elle veut quand Caroline est de retour à la maison.

L’autre évidence, comme elle me l’a dit elle-même, c’est qu’elle est forcée de lâcher prise sur bien des choses, et accepter que celles-ci sont hors de son contrôle. Notamment l’éducation lorsqu’elle est absente. Par exemple, si elle apprend que le petit a mangé des pogos deux fois cette semaine, et bien elle doit accepter que c’est comme ça! Parce que de l’autre côté de la planète, elle deviendrait folle si elle s’acharnait à vouloir tout contrôler.

Au final, ça ne l’empêche pas d’avoir des doutes bien sûr! Par exemple si elle a fait le meilleur choix, si elle ne finira pas avec des regrets un jour, si elle ne s’est pas inutilement compliqué la vie, etc. Mais la vérité c’est qu’elle a commencé à travailler dans le domaine minier lorsqu’elle avait tout juste 15 ans, alors c’est rien de moins que son identité. De plus, ce goût de l’aventure, il lui a été transmis par sa famille. Aussi, elle ne sait pas trop ce qu’elle pourrait faire d’autre. Ni même si elle saurait s’accommoder du 9 à 5 habituel ainsi qu’aux interminables heures passées dans la circulation pour aller et revenir du travail. C’est donc un choix déchirant à certains niveaux mais qu’elle se considère chanceuse de pouvoir faire. Parce que bien sûr, le fait de travailler à l’étranger, auprès de cultures différentes, ça la rend consciente de façon particulièrement aiguë que ce n’est pas le lot de toutes sur la planète.

En Russie où elle se trouve actuellement, les droits des femmes ne sont pas les mêmes que pour nous. Celles-ci n’ont par exemple pas le droit de travailler sous terre. En Mauritanie où elle a passé deux ans, alors qu’elle était la jeune ingénieure qui arrivait, à tout juste 24 ans, elle a été confrontée au regard de totale incompréhension de ceux qui lui demandaient, éberlués, comment ses parents pouvaient être d’accord avec ça, et si son père l’avait abandonnée. À d’autres moments, elle s’est fait dire qu’Allah lui en voudrait de porter des pantalons…

Le fait de vivre de cette façon, ça l’a par la force des choses amenée à réfléchir à la vie et à la place du travail autour duquel tout semble devoir être construit. À ce moule social et aux conventions aussi, qui voudraient nous convaincre que lorsqu’on est une femme, on doit avoir envie d’être belle, on doit vouloir se marier, avoir des enfants, être à la maison. Rien de moins que se conformer à notre identité de genre, telle que vendue par les magazines. Et cela, indépendamment de notre vraie nature et des envies que l’on peut avoir à titre d’humain.

Quand je vous dis que je la trouve inspirante, c’est vraiment un euphémisme.  Pour ma part, je ne sais pas si je pourrais vivre ainsi mais je trouve ça magnifique de la voir aller, d’oser chercher son modèle à elle.

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