Ce qui nous empêche de dormir
Je suis tombée il y a quelques temps sur un article qui m’est apparu un peu comme une révélation.
Le genre de thématiques sur lesquelles je me dis, je vais écrire là-dessus. Et que je laisse parfois traîner dans mes premiers-jets de billets.
Dans celui-ci (en anglais), on parle d’un essai venant de paraître et qui traite de la crise de mi-vie des femmes de la génération x. Et clairement, je m’y suis retrouvée. Écrit par l’auteure Ada Calhoun, «Why We Can’t Sleep – Women’s New Midlife Crisis», l’auteure se penche en effet sur ce qui différencie la façon de passer à travers la crise de mi-vie pour les femmes, versus la façon dont celle-ci impacte la réalité des hommes.
Alors que pour les messieurs, selon l’autrice, la crise de mi-vie se résume souvent à changer d’auto, de femme ou de petite amie, ou encore, d’emploi, pour les femmes ça se passe souvent de façon moins visible. Celles-ci vont quant à elles plutôt sombrer dans une forme d’angoisse qui peut passer plus ou moins inaperçue. Elles regarderont par la fenêtre de leur voiture, ou encore fixeront le plafond à 4h du matin, angoissant sur ce qu’elles ont fait trop ou pas assez.
Et c’est un peu vrai je pense.
La vérité c’est que chez les femmes, cette crise se passe peut-être plus souvent de façon un peu plus sous-terraine. La terre continuera de tourner, la maison ne cessera jamais de fonctionner et le changement d’emploi apparaîtra peut-être moins comme une option pour répondre à cette insondable question de savoir si nous nous trouvons bien là où on a l’impression qu’on devrait l’être à ce moment de notre vie.
Je dis ça, je dis rien bien sûr. Mais ça m’interroge.
Selon cette auteure, une partie du problème proviendrait peut-être du fait que les femmes de la génération x (les occidentales à tout le moins) , se sont toujours fait dire qu’elles pouvaient être et faire tout ce qu’elles voulaient. Médecin, astronaute, «name it» ! «Président même si ça vous chante!» Qu’elles pouvaient avoir une famille ET réussir professionnellement. Cela sans toutefois avoir jamais reçu le moindre soutien pour que la chose puisse se réaliser.
Et, j’ai juste à regarder mon propre parcours pour sentir qu’il y a probablement une part de vérité là-dedans. Partie de ma «région éloignée» toute suite à la fin de secondaire, je me suis retrouvée seule à Montréal à tout juste 17 ans.
J’ai traîné à l’Université jusque dans la trentaine en accumulant les boulots de réceptionniste, puis d’agente de bureau et d’adjointe de direction. Cela en me disant que tant que mes études n’étaient pas terminées, ces emplois-là ce n’était qu’en attendant. Que c’était normal de ne pas être là où je le souhaitais. La vérité c’est qu’il m’a fallu attendre jusqu’a la mi- quarantaine pour obtenir enfin un emploi en lien avec mes études. Ce serait donc un euphémisme que de dire que ça a été long. Et que surtout, c’est loin de m’avoir été offert sur un plateau d’argent.
Alors inutile de dire que le propos de Calhoun, ça m’interpelle vraiment.
La vérité c’est peut-être que les femmes de ma génération, nous nous sommes ainsi retrouvées à hériter du discours de nos mères qui nous ont encouragé à viser de meilleures destinées qu’elles. Mais sans que la société ne soit tout à fait au même endroit de ce beau discours.
D’où les inévitables nuits blanches à nous sentir égoïstes et peut-être incapables d’être satisfaites de nos vies dont la photo ne correspond pas toujours à ce qu’on nous avait pourtant vendu.
Et, une vérité qu’on ne dira peut-être jamais assez c’est en partie ce genre de double-standard qui veut que la volonté de vouloir plus soit valorisée pour les hommes. Alors qu’à une femme qui manifeste ne serait-ce que la plus minime insatisfaction face à sa vie, on dira plutôt «mais tu es chanceuse, tu as ceci, cela, une belle famille». Et la palme lorsqu’on lui dira «Mais, ton conjoint t’aide toi!»
À lui on dira «Sky is the limit» en lui demandant moins. Alors qu’à elle, on donnera toutes les raisons qu’elle pourrait avoir d’être contente de ce qu’elle a déjà. La carrière d’accord, si tu travailles suffisamment fort et si tu t’acharnes suffisamment. Mais n’oublie jamais que le bonheur familial et la maisonnée dépendent de toi ma chère.
D’où peut-être ce sentiment qu’on a peut-être toutes par moments d’être trop exigeantes, de ne pas savoir nous satisfaire de ce qu’on a – à la limite de se sentir coupables de cela. Et à échéance, d’angoisser de ne pas parvenir à obtenir ce qu’on voudrait alors que le message qui nous a pourtant été transmis c’est qu’on pouvait tout avoir.
Bref! Je n’ai pas de réponse.
Mais ça me console quand même un peu de constater que ce questionnement-là, je ne suis pas la seule à le tourner en boucle dans ma tête.
Loin s’en faut!
Définitivement de quoi essayer de dormir là-dessus! Au risque d’y consacrer quelques nuits blanches encore.