lecture,  littérature,  Sur ma table de chevet

Cent ans, de Herbjorg Wassmo

« Comment est-ce possible ? Des arbres qui restent là, au même endroit, et poussent jusqu’au ciel ? Pendant cent ans. Ils poussent et ils poussent. Ils sont secoués par le vent qui siffle dans leurs branches. Grands-parents et petits-enfants meurent, les grands arbres, eux, restent. Ils perdent leurs feuilles et il en pousse de nouvelles. Les branches s’étirent en hauteur. Les racines plongent en profondeur. L’arbre sort de la terre et s’étire toujours plus haut pour l’éternité. » (Cent ans, Herbjorg Wassmo)

J’ai toujours pensé que ce n’était pas nous qui trouvions les livres. Mais plutôt eux qui se mettaient eux-même sur notre route. Et j’avoue qu’à ce chapitre, je suis parfois sans voix devant ces mille et une façons pour le moins étranges par lesquelles certains livres arrivent entre nos mains…

Ces derniers jours, je me suis laissée happer par le livre « Cent ans », de l’auteure norvégienne Herbjorg Wassmo dans lequel celle-ci raconte l’histoire de sa famille à travers les destins de quatre femmes. L’arrière-grand-mère, Sara Suzanne; la grand-mère, Élida; la mère, Hjordis. Et elle-même, Herbjorg, la dernière. Cette petite fille qui se cache dans un grenier, avec pour seule arme, un cahier jaune dans lequel elle s’acharne à vouloir l’éviter. Lui.

Et comme paysage de fond, la Norvège, un pays dont les hivers longs ont cette capacité de vous isoler…

Avec un pareil résumé, ais-je besoin de préciser que j’aurais succombé sans même en avoir entendu parler auparavant? Mais voilà, c’est une autre blogueuse, Marie-Adrienne du blogue aproposdecriture.com qui m’a écrit il y a quelques semaines pour me dire… qu’il lui avait fait penser à moi!

Car « Cent ans », c’est cette période qui sépare justement les quatre femmes de cet univers familial ou la honte a fait son chemin sans discontinuer. Un peu comme dans mon histoire pourrait-on dire!

Mais ici, Sara Suzanne d’abord, l’aïeule qui se retrouve devant la nécessité de faire un mariage de raison avec Johannes, un homme bègue mais vaillant qu’elle finira toutefois par aimer. Sara Suzanne qui un jour, à la demande du pasteur Fritz Jansen, deviendra son modèle pour la peinture d’un retable destiné à être exposé dans l’église. Une œuvre qui existe toujours et qui a par ailleurs été le point de départ de l’auteure pour cette quête de l’histoire familiale.

Mais surtout, l’occasion pour Sara Suzanne d’être pour la première fois de sa vie en contact avec l’art, Et cette possibilité de trouver dans le pasteur un ami à qui confier ses rêves enfouis…

– « Mais vous avez un mari aimant. »

Encore une fois, leurs yeux se rencontrèrent. Cependant cette fois, elle ne souriait plus.

– « Le pasteur sait bien que Johannes a des difficultés à s’exprimer».

– « En effet… Est-ce vous qui l’avez choisi, ou la famille?», demanda-t-il avec hésitation.

Elle laissa son regard glisser sur la fenêtre, comme pour gagner du temps

– « Pour quelqu’un comme moi, à la fin il fallait choisir de deux choses l’une».

– « Ah bon. Et c’était quoi?»

– « Ou bien se marier ou bien se jeter dans la mer».

– « Et bien alors! Ce ne peux pas être aussi terrible que ça! De se marier, je veux dire».

– « Non, mais de ne pas se marier. Et on ne peut pas se marier avec n’importe qui. C’est pour toute la vie. On est responsable devant Dieu et les hommes. Et quand arrivent les enfants, c’est trop tard pour se dire qu’aurait mieux fait de se jeter dans la mer». (page 179)

Ainsi, quel choix autre, pour une femme de cette époque, que le mariage et la maternité n’est-ce pas? Et des enfants, Sara Suzanne en aura une ribambelle. Dont la petite dernière, Élida, qui elle, choisira envers et contre tous de faire un mariage d’amour avec Fredrick, un homme qui lui fera dix enfants. Un choix qui lui fera comprendre assez vite qu’en se mariant, elle devait aussi renoncer à ses rêves d’envol et de liberté…

« Elle se dit que c’était ainsi que les vingt-trois dernières années avaient passé. Avec un enfant sur une hanche et un autre dans le ventre. »

Mais Fredrick est malade du cœur. Pour le faire soigner, elle est prête à tout : fut-ce de quitter maison et famille, laissant les enfants dans des familles nourricières afin de s’installer à Kristania, la future Oslo. C’est pourquoi Hjordis, la mère de l’auteure sera quant à elle élevée quelques années par une tante. Ce qu’elle ne pardonnera jamais vraiment à sa mère et qui la mènera à quitter très tôt le nid familial.

Et à travers cette histoire touchante, une évidence peut-être! Soit qu’outre ce thème de la filiation au féminin qui m’est cher, nous pourrions aussi affirmer, comme le disait Tolstoï dans « Anna Karenine », que « Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon ».

Et que bien souvent, derrière les méandres parfois étranges de certaines familles, on peut avoir l’impression de se retrouver comme devant une courtepointe ou chaque personne en constitue une pièce indissociable du reste.

Et étrangement, c’est presque beau je dirais!

J’ai adoré !

4 commentaires

  • Avalon

    Chaque livre passionnant est comme une pierre angulaire supplémentaire de notre jardin de vie. On voit mieux, on observe mieux, on accepte et intègre dans notre capacité de compréhension. J’aime les voyages aux quatre coins du monde, de l’histoire, tout se relie tellement autour de l’humanité 🙂 Je suis donc d’accord avec toi 🙂 Je viens de finir un livre « le monde D’Alice » d’une dame qui a 109 ans auj et est la plus âgée des rescapées de l’holocauste. C’était magnifique 🙂 J’aime ces avancées de l’âme aussi 🙂

    • Marie

      Bonjour Avalon ! D’abord, bienvenue sur mon blogue 🙂 Je suis d’accord avec toi que chaque livre nous fait voyager, tant dans le monde qu’à travers soi. Parce que la vérité c’est que même si on aime bien se croire seul et unique avec nos histoires, n’en demeure pas moins qu’on est tous un peu pareils n’est-ce pas ? On naît, on meurt et entre les deux, on déplace un peu d’air en espérant trouver du sens. Et j’avoue que tous ces livres sur la filiation et ce qu’on se transmet de génération en génération (entre autre) sont ceux qui me semblent donner du sens à l’éternelle question « Mais qu’est-ce que je peut bien faire ici !? ». Enfin, à moi, ça me parle beaucoup!

      Je retiens la référence du livre dont tu parles: j’ai toujours une liste (interminable !) de livres que je veux lire;-)

      Bonne journée à toi !

      Marie

  • Grand-Langue

    Les livres viennent-ils à nous? Il y en a tellement, faudrait sélectionner, à moins que ne soit eux qui choisissent qui seront leurs lecteurs et lectrices. L’idée m’intéresse.

    Grand-Langue

    • Marie

      J’y crois vraiment ! Comment expliquer autrement tous ces livres qui viennent sur ma table de chevet, que j’ai pourtant choisis, et que pourtant, je n’arrive jamais à lire ? Parce qu’après dix, vingt ou trente page, je me rends compte que ça ne me parle pas… Alors que d’autres arrivent à nous par les chemins les plus inusités et nous transportent littéralement. Comme s’il y avait eu rendez-vous ! Bon ! J’avoue que j’exagère peut-être un peu mais j’aime bien l’idée !

      Une bonne journée à toi !

      Marie

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