Corps/Us
Aujourd’hui, j’ai envie de partager ce texte qui traîne depuis des lustres dans mes premiers jets inachevés
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Corps (Larousse): La partie matérielle de quelqu’un après la mort; cadavre: Levée du corps. Le tronc, par opposition aux membres et à la tête: Il portait des tatouages sur les bras et le corps.
Us : (Larousse) Les us et coutumes les habitudes, les mœurs, les usages traditionnels.
Je recule dans le temps, j’ai huit ou dix ans. Déjà je ne sais trop qu’en faire. Maladroite, je cherche à me cacher derrière lui.
Saut dans le temps, j’ai dix-huit ou vingts ans. Quoi que je fasse, il me semble être un embarras. Au collège, je m’aventure à prendre un cours de danse mais suis vite rattrapée par ce sentiment d’être comme un éléphant dans un jeu de quilles…
La trentaine. J’ai pris du poids. Je me suis habituée à me procurer des vêtements trop grands, comme espérant disparaître derrière eux. En vain.
Trente-six ans. Enceinte de mon fils. Pour la première fois, je me trouve belle. Ce beau ventre rebondi qui renferme la vie me réconcilie (un peu!) avec mon corps. Pour la première fois, les vêtements ne servent plus à cacher mais à faire jaillir. Comme une fleur qui éclate. Et pour laquelle il ne me viendrait jamais à l’idée de remettre en cause sa forme.
Trente-neuf ans. Je suis enceinte de nouveau. Grossesse chaotique: celle là je ne la sentais pas. Et pour cause. Cette fois-ci, une petite fille à qui je donnerai la vie et la mort dans un même souffle. Mais l’espace de quelques mois, c’est ce corps, le miens la plupart du temps inadéquat, qui nous aura permis de nous croiser ma Juliette et moi.
La quarantaine et cette époque de la réappropriation de mon corps. Non pas une diète mais un ajustement de mes habitudes de vie. Je mange mieux, je me mets à cuisiner. Travail, famille, jeune enfant, des heures dans le transport, une mère atteinte de Parkinson… Le patchwork du quotidien dont les fils tirent dans les coins. Bref! Pour ne pas être enterrée vivante sous le poids de la charge mentale, je me mets à planifier tout. La variété des repas et tout ce qui vient avec.
J’ai cinquante ans. Je regarde des photos de magazines et encore aujourd’hui, ce n’est pas moi que je vois sur ce papier glacé. Une tapisserie ornée de corps de femmes tout en longueur et dont la maigreur semble contribuer à rendre le féminin quasi invisible.
Les années passant, j’ai appris à en prendre et en laisser. Parce que la vie, c’est pas mal comme les séries télé n’est-ce pas? Il y a la fiction mais il y a aussi et surtout la réalité.
Mon visage, lorsque je l’observe devant une glace est différent. Il n’est évidemment plus celui d’une jeune femme de vingts ans. Mais plus important! Il ne m’apparaît plus comme étant celui d’une étrangère. Mon corps semble avoir repris la place qui lui est du: c’est grâce à lui que je suis vivante.
Et, en regardant la cicatrice sur mon ventre, je me rappelle que c’est la porte par laquelle mon beau grand garçon a fait son entrée dans le monde.