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Déséquilibre et valse-hésitation

Crédit: Pexels

Depuis quelques temps, j’ai mal au dos… Une douleur digne de me rappeler à quel point il n’y a pas que mon bassin qui soit débalancé par moments…

Mon corps tout entier semblant déchiré entre un côté gauche visiblement déficient qui refuse de faire face à ses responsabilités. Et un côté droit qui par la force des choses, prend tous les coups pour eux deux!

Et moi, au milieu, témoin de leurs disputes incessantes.

*****

Imaginez que nous nous retrouvions soudainement quelque part à l’automne 1968.

Un saut dans le passé. Un peu comme par magie.

À l’extérieur, je ne sais pas s’il pleut. Mais clairement, il fait gris.

Et, s’il ne pleut pas, il a plu. Cela, probablement qu’on peut le déduire sans trop se tromper puisque le sol est couvert de boue.

Et il y a l’odeur, aussi, qui elle non plus ne trompe pas. Celle des feuilles mortes. Celles-ci semblant s’être noyées dans ce genre d’averses que l’on pourrait facilement imaginer sans fin. Comme c’est parfois le cas en novembre par exemple.

Mais peut-être n’est-on encore qu’en octobre ! Allez savoir !

Bref!

Là, au milieu de ce qui a tous les airs d’un trou perdu, un petit village Ontarien qu’il serait bien vain de nommer puisque c’est forcément par accident qu’on s’y retrouve,  un homme.

Une femme.

Un cheval.

Bah ! De loin, on pourrait imaginer que ces trois là n’ont rien de particulier! Mis à part leur présence en ce lieu autrement désert.

Mais qu’on se rapproche et, un peu comme une oeuvre hyper-réaliste qui ne prend tout son sens que lorsqu’on l’observe de près, nous pourrons les entendre. En même temps que sentir cet air qui semble s’alourdir et se raréfier.

Puis, les détails qui deviennent plus précis.

L’homme, visiblement pris d’un excès de colère devant la bête qui a le malheur de n’avoir pas la force de traîner la charge qu’on lui impose de tirer derrière elle… Les sabots de cette dernière englués dans la boue, matière informe et huileuse qui n’en finit plus.  Et qui chaque fois qu’elle est piétinée par l’animal, se transforme de plus en plus en une masse glissante et instable.

Puis, l’homme, comme envahi par cette colère qu’il ne contrôle plus, s’empare soudainement d’une chaîne, comme s’il espérait ainsi qu’en frappant la jument, celle-ci n’aurait d’autre choix que d’avancer. Malgré la boue qui comme un torrent, menace de tout emporter.

C’est marche ou crève pour cette jument arrivée dans la famille après avoir miraculeusement échappé à la mort. Une balle perdue reçue dans la tête l’ayant en dépit de toute logique épargnée…

Puis, la femme qui assiste à la scène. Et qui tremble devant cette colère qui comme un volcan dépasse tout ce qu’elle a pu imaginer dans sa vie. Et cela, même si elle aussi, elle en a déjà beaucoup vu… Mais qui par-dessus tout et tant qu’elle vivra, n’oubliera jamais les pleurs de l’animal. Des cris plaintifs et désespérés.

Et dans le ventre de la femme…il y a moi.

Foetus de tout juste quelques semaines qui déjà, nage à contre courant.

Alors tout cela, ce paysage d’automne gris et sale, je ne peux que l’imaginer bien sur. Parce que théoriquement, je n’y suis pas encore.

Mais j’en ai la conviction profonde, ce moment sera gravé pour toujours dans mon ADN.

Tout comme cette infinitésimale seconde pendant laquelle j’ai hésité.

Foncer droit devant?

Ou tourner le dos à tout cela?

*****

Depuis quelques temps, j’ai mal au dos.

Ce genre de douleur qui s’est toujours tenue tapie dans mon corps, un peu comme un indésirable. Parfois, bien tranquille dans l’ombre. À d’autres moments, avec la discrétion d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

J’ai appris à vivre avec ce corps déséquilibré bien sur! Un corps dont le côté gauche semble avoir vu dans son côté opposé…un opposant.

Aussi, chaque fois que la douleur se montre, cela semble être pour ramener à mon esprit que pour toujours, je suis destinée à être déchirée et écartelée. Mon corps à l’image de ce moment précis de mon histoire ou, hésitante, j’ai douté.

Douté de mon envie de naître.

Ou de celle de prendre mes jambes à mon coup, retournant là d’ou je venais.

Une partie de moi a dit oui… L’autre n’a pas su se décider.

Mon corps, depuis, semblant pour toujours comme figé dans ce moment de valse-hésitation entre un côté droit disposé à aller de l’avant.

Et un côté gauche ayant, lui, depuis longtemps jeté la serviette.

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