Et si ?
J’ignore si ce n’est que l’effet de cette nouvelle année qui se donne des airs de page blanche qui se déploie devant moi… Avec toutes les possibilités qu’on imagine habituellement comme allant un peu de soi devant ce qui à tout les airs d’un nouveau début…
Mais je me dis...Et si ?
Et si ? Si cette opinion que l’on se fait de ces personnes qui se trouvent devant nous, par hasard, sans raison, parce que dans nos grandes villes, il serait un peu utopique d’imaginer ne croiser jamais personne que l’on ne connaîtrais pas autrement, n’était qu’un effet d’optique. Ou d’illusion. Chacun de nous étant un peu comme un kaléidoscope composé de milliers de parties fragmentées. Et auxquels nous imaginons une contours fixe, précis et défini… Un peu comme le font si bien ces artistes spécialisés en pointillisme…
De sorte qu’on ne voit pas la même chose, selon la personne qui regarde. Selon que celle-ci se tienne tout près. Ou encore, de loin. Ou d’un point de vue bien précis…
Cette question, je me la pose beaucoup ces temps-ci. Et cela même si je n’ose trop la formuler à voix haute bien sur! De peur qu’on me regarde telle une extraterrestre qui aurait bu un peu trop de café… Et dont les neurones se seraient mises à surchauffer, trop concentrées sur les motifs de fleurs sur le tapis…
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Depuis trois ou quatre ans, je me suis, sans trop m’en rendre compte un peu isolée.
Vous savez ce que c’est, n’est-ce pas ? Tous, nous passons nos journées à courir sans arrêt, partagés entre nos responsabilités familiales; nos obligations professionnelles; nos amis avec qui entretenir des liens, même de façon fragmentaire par moments; nos parents vieillissants qui ont parfois besoin de ceci ou de cela; les rendez-vous à prendre mais surtout, à noter sur le calendrier. Parce que notre vie, voilà bien ce qu’elle est devenue au fil des années: un immense calendrier sur lequel nos journées sont organisées au quart de seconde.
Un univers dans lequel la spontanéité est morte séchée un beau matin.
Aussi, ayant obtenu un nouveau poste (dans la même boîte) à l’été 2013, celui-ci me permettant d’avoir enfin droit à un bureau fermé plutôt qu’un coin encombré dans une aire ouverte trop bruyante (une première!), j’ai pris l’habitude de manger à mon bureau, seule, le midi. Ne sortant qu’à l’occasion, pour aller dîner avec une collègue par exemple. Ou encore, pour une simple ballade, les beaux jours venus. Ou, plus souvent, pour une course que je n’avais pas réussi à « caser » ailleurs dans mon horaire.
Jusqu’à l’été dernier, je ne voyais pas de problème à ces midis passés seule. Parce qu’ils me permettaient cette parenthèse pour respirer, tout simplement.
Jusqu’à ce que je réalise un moment donné que de visionner des émissions de télé toute la journée, parce que c’est mon travail, c’était super ! Mais que ma vie serait sans doute plus agréable si je sortais de mon bureau le midi. Histoire de socialiser un peu par exemple. Et qu’à la limite, même mon couple s’en porterait lui aussi beaucoup mieux ! Parce que quelque part, ailleurs que chez-moi, je parviendrais peut-être ainsi à être autre chose qu’une mère, une épouse, une gestionnaire de vie familiale…
C’est pourquoi tout l’automne, tous les midis sans exception, je me suis acharnée à descendre manger à la cafétéria, convaincue que même seule, c’était la meilleure façon de me retrouver dans le mouvement. Et que forcément, avec le temps, je trouverais le moyen de créer des liens d’amitié, le temps d’un lunch, dans une boîte ou clairement, depuis les quinze dernières années, j’ai rencontré les mêmes personnes d’un poste à l’autre. Par hasard ou pour des échanges en lien avec le travail.
Des tas de personnes, littéralement, que je croise au quotidien. Et avec qui j’ai usé les mêmes planchers de corridors depuis des jours, des mois, des années. Mais des gens avec qui, dans certains cas et un peu paradoxalement, je n’ai même jamais échangé un mot. Et cela, un peu mystérieusement, même si dans certains cas, nous nous « suivons » sur LinkedIn, Twitter ou sur ces autres médias que l’on dit « sociaux »…
Virtuellement: OK. Mais dans la vraie vie: Niet!
Tout au plus un regard. Bref, furtif. Un peu comme par accident. Ou parce qu’on a pas su regarder ailleurs en allant se chercher une salade à 11:52…
Mais, un peu tragiquement je le réalise aujourd’hui, six mois plus tard, je mange toujours seule…
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J’ignore si ce n’est que l’effet de cette nouvelle année qui se donne des airs de page blanche qui se déploie devant moi… Avec toutes les possibilités qu’on imagine habituellement comme allant un peu de soi devant ce qui à tout les airs d’un nouveau début…
Mais je me dis...Et si ?
Et si ? Si cette opinion que l’on se fait de ces personnes qui se trouvent devant nous, par hasard, sans raison, parce que dans nos grandes villes, il serait un peu utopique d’imaginer ne croiser jamais personne que l’on ne connaîtrais pas autrement, n’était qu’un effet d’optique?
Une illusion de laquelle nous n’osons pas, pour la grande majorité d’entre nous, sortir. Comme d’un cadre trop rigide qui rendrait comme un peu obscène cette idée d’échanger un simple « bonjour, comment vas tu aujourd’hui? » avec ces personnes qu’au fil du temps, on a presque l’impression de connaître tant elles nous sont devenues familières….
Tout cela faisant en sorte, comme j’en ai parfois l’impression, que notre réseau d’amis, une fois la quarantaine atteinte, ne peut que s’effriter et rétrécir comme un beau chandail de laine oublié trop longtemps dans le sèche-linge… Nous privant ainsi en quelques sortes, et avec les années, de rencontrer de nouvelles personnes. Ou de nouveaux « arcs » à ajouter à ce fameux « cercle social » que l’on dit pourtant si important d’enrichir pour espérer vivre heureux…
Alors ma grande question, toujours sans réponse, c’est celle-ci !
Comment fait-on pour se faire des amis ?
Juste ça.
Tout banalement…