Dans ma liseuse électronique,  Pages féminines d'un autre temps

Fifty Shades of Grey au temps de Madame de Sévigné

Photo: IStock

Fifty Shades of Grey, vous en avez entendu parler ?

C’est, parait-il, LE phénomène de l’heure en terme de littérature ! Mais, il ne faut pas le dire trop fort n’est-ce pas ? Car dans le Courrier International il y a quelques semaines, on en parlait comme étant le premier best-seller porno et féministe (oui, oui, semble-t-il que les deux puissent se dire dans la même phrase !) Le genre de littérature dont on se vante rarement d’en avoir lu…

Mais, serais-je tentée de dire, nous n’avons rien inventé n’est-ce pas?

À preuve, ce passage d’une lettre de Mme de Sévigné à sa fille…Il y a de cela, très très longtemps…Quelque part en 1689.

«Écoutez un peu ceci, ma bonne. Connaissez-vous M. de Béthune, le berger extravagant de Fontainebleau, autrement Cassepot? Savez-vous comme il est fait? Grand, maigre, un air de fou, sec, pâle, enfin comme un vrai stratagème. Tel que le voilà, il logeait à l’hôtel de Lyonne avec le duc, la duchesse d’Estrées, Mme de Vaubrun et Mlle de Vaubrun. Cette dernière alla, il y a deux mois, à Sainte-Marie du faubourg Saint-Germain; on crut que le bonheur de sa sœur la ferait religieuse et qu’elle aurait tout le bien. Savez-vous ce que faisait ce Cassepot à l’hôtel de Lyonne? L’amour, ma bonne, l’amour avec Mlle de Vaubrun. Tel que je vous le figure, elle l’aimait. Benserade dirait là-dessus, comme de Mme de Ventadour qui aimait son mari: «Tant mieux, si elle aime celui-là, elle en aimera bien un autre.» Cette petite fille de dix sept ans a donc aimé ce don Quichotte, et hier il alla, avec cinq ou six gardes de M. de Gêvres, enfoncer la grille du couvent avec une bûche et des coups redoublés. Il entra avec un homme à lui dans ce couvent, trouve Mlle de Vaubrun qui l’attendait, la prend, l’emporte, la met dans un carrosse, la mène chez M. de Gêvres, fait un mariage sur la croix de l’épée, couche avec elle, et le matin, dès la pointe du jour, ils sont disparus tous deux, et on ne les a pas encore trouvés. En vérité, c’est là qu’on peut dire encore:

Agnès et le corps mort s’en sont allés ensemble.

Le duc d’Estrées crie qu’il a violé les droits de l’hospitalité. Mme de Vaubrun veut lui faire couper la tête. M. de Gêvres dit qu’il ne savait pas que ce fût Mlle de Vaubrun. Tous les Béthune font quelque semblant de vouloir empêcher que l’on ne fasse le procès à leur sang. Je ne sais point encore ce qu’on en dit à Versailles. Voilà, ma chère bonne, l’évangile du jour. Vous connaissez cela, on ne parlait d’autre chose. Que dites-vous de l’amour? Je le méprise quand il s’amuse à de si vilaines gens.»

(Lettres de Madame de Sévigné: de sa famille et de ses amis, Volume 6, par la Marquise Marie de Rabutin-Chantal Sévigné)

Savoureux !

Et vous aurez remarqué par le lien que j’ai mis à cet extrait que ces lettres de Madame de Sévigné sont disponibles en téléchargement… gratuit !

J’adore !

 

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