Histoire sans fin

Les familles, à mon avis, ont été inventées afin de lier pour l’éternité des personnes qui autrement, n’auraient eu absolument rien en commun ! Et là dessus, je suis tentée de penser que le responsable de tout cela à parfois beaucoup d’imagination !

Un peu comme la nuit a besoin du soleil pour la sortir de sa noirceur, ma mère semblait rêver du prince charmant qui changerait sa vie… Elle a même tellement cru au principe je pense, qu’elle s’y est essayée à trois reprises…Un peu comme un vieux disque ébréché qui reprendrait sans fin la même séquence…

Princesse de verre, que pouvait-il lui arriver d’autre que de se casser? Car curieux paradoxe: aujourd’hui atteinte du Parkinson, on pourrait quasiment dire qu’elle en tremble encore de tous ses membres !

Mais laissez-moi ici vous raconter une petite histoire qui, mieux que tout ce que je pourrais vous en dire, vous fera immédiatement saisir toute la personnalité, la complexité et les nuances du personnage qu’est ma mère… Un portrait qui comme vous le verrez, démontre bien que mon beaux-frère qui nous raconta cette histoire un jour, avait fort bien saisit la personnalité de ma mère lorsqu’il rencontra cette dernière !

Ainsi, imaginez une campagne. De celles que l’on peut associer à l’image que l’on peut avoir des années 70, alors que des distances assez appréciables séparaient les maisons des voisins entre elles…

Imaginez que c’est l’hiver, qu’une tempête fait rage, empêchant par conséquent la dame d’entrer chez-elle, dans sa cour….

Imaginez qu’elle songe soudainement à demander au voisin de lui prêter sa pelle…

Rien de bien étonnant jusque là, vous dites-vous ! Quoi de plus normal en effet que de demander l’aide de son voisin lorsqu’on se retrouve devant quelque difficulté ? Mais paradoxalement, c’est justement là que le personnage prend toute sa complexité alors qu’en route, elle se met à se dire « Et s’il disait non et refusait de me prêter sa pelle ! ». Et la voilà qui décide de faire marche arrière en retournant chez-elle…

Mais sur la route du retour, en réfléchissant à la situation, elle réalise qu’il y a finalement peu de chance que le voisin refuse ! C’est donc régénérée qu’elle décide de changer de route, direction « le voisin » afin de lui demander son aide !

Mais comme trop de simplicité perd parfois de son charme, la dame se met une fois de plus à s’interroger. « Oui mais s’il n’était pas chez-lui ! » Et la voilà de nouveau qui décide de rebrousser chemin ! Mais ce faisant, elle finit par réaliser que si elle ne va pas voir ce voisin, elle ne saura d’une part jamais s’il est à la maison mais pire encore, elle ne pourra entrer chez-elle ! Un énième changement de direction s’en suit !

Après mille tergiversations et un discours intérieur tel que vous n’en avez même pas idée, la dame finit par arriver chez le voisin.

Fini vous pensez ?

Et bien que non !!!

Car même si elle a bien finit par se rendre à destination, c’est tout de même en se faisant mille scénarios intérieurs, tous moins fondés les uns que les autres ! Imaginez donc l’état dans lequel elle se trouve au moment ou son voisin ouvre enfin sa porte et que…sans autre présentation, elle lui lance seulement un « Tu peux bien te la garder ta pelle ! »

Et bien voilà un peu le portrait de ma mère ! Grossis mille fois bien sur mais tout de même ! Un portrait si peu éloigné de la réalité néanmoins que même la principale intéressée ne peut faire autrement que d’en rire lorsqu’on lui rappelle cette histoire !

Ainsi, que mon frère et moi ne nous parlions par pendant quelques semaines et immédiatement, ma mère se demande si nous ne nous serions pas disputés ! Que je n’aie pas le temps de lui téléphoner une journée et la voilà qui se demande si nous l’aimons et si elle ne nous dérange pas trop ! Toujours à se faire mille scénarios que nous devons à tout coup désamorcer ! Mais que voulez-vous, on ne change pas à soixante ans !