Là ou le mystère s’épaissit
Lucienne, la toute jeune épouse de Dollard m’apparaît comme une totale énigme ! Née en 1908, on sait peu de choses d’elle sinon qu’elle épousa mon arrière-grand-père à St-Charles-de-Limoilou, en juillet 1923.
Calqua-t-elle son humeur sur la Grande Dépression de l’époque ? Fut-elle atteinte d’un syndrome post-partum suite à la naissance de ses deux enfants ? Ou était-elle simplement une femme qui était incapable de se conformer aux normes du moment, ou encore, contestataire ? Là dessus, je n’ai aucune réponse ! Peut-être que le mariage et la maternité n’étaient tout simplement pas sa tasse de thé…
Toujours est-il qu’à cette époque, mon arrière-grand-père Dollard travaillait à la construction de ponts. On dit d’ailleurs qu’un jour, il fit une chute de 18 pieds et se cassa…le nez !
Parti de longues périodes, il laissait ainsi Lucienne seule avec les enfants. À bout (ou désespérée ?), elle menaça son mari de le quitter s’il la laissait seule de nouveau… Menace qu’elle mit effectivement à exécution début 1928.
Un matin, elle quitta tout, dont Ernest et Jeanne, alors âgés respectivement de trois ans et de neuf mois. À la fin de la journée, une voisine, entendant les enfants pleurer depuis plusieurs heures vint s’occuper d’eux et prévint Dollard qui les confia dès lors à sa mère, Adeline, qui les éleva comme les siens propre.
Lucienne ne revint jamais, choisissant plutôt de poursuivre sa vie à Montréal. À ce stade, on peut se demander ce qui a bien pu pousser une femme, alors âgée de 24 ans, sans ressources et sans métier, à l’aube de la crise de 1929, à tout quitter !
Il faut se rappeler que la Grande Dépression, dite aussi crise de 1929, qui débuta avec l’effondrement des marchés financiers New-Yorkais, le jeudi noir du 24 octobre, sonna du même coup le début d’une dépression économique mondiale qui fut la cause d’une importante déflation et d’un accroissement significatif du chômage. Une crise qui allait sévir jusqu’à la deuxième guerre mondiale. En langage clair, c’est là que ça a commencé à aller vraiment mal !
Pendant les années 1920, le Canada était devenu un pays exportateur. Les pâtes et papiers, le bois et le blé représentaient alors les deux-tiers des exportations canadiennes et comptaient pour beaucoup dans la prospérité du pays. Avec la fermeture des marchés internationaux, le Canada est, comme on peut l’imaginer, l’un des pays les plus durement secoués par la crise…
C’est ainsi que la légende familiale raconte que Lucienne devint prostituée à une époque ou il appert que la syphilis était tellement répandue à Montréal qu’on rapporte que les marins évitaient littéralement de descendre de leur bateau dans le port de la ville.
Elle est décédée en octobre 1952, on ne sait de quoi, bien qu’il soit facile de se faire bien des scénarios. En effet, plusieurs versions circulent sur le sujet, sur lesquelles il n’est pas utile de se pencher ici.
Son mari, mon arrière-grand-père Dollard, est quant à lui parti s’installer en Alberta ou il retrouva son jumeau et devint barman. Ernest de son côté finira par s’installer à Toronto, ou il décèdera en 1994. Jeanne, pour sa part, sera élevée par sa grand-mère paternelle, Adeline.
En 1933, Anne-Marie, la sœur de Dollard, qui avait épousé à La Tuque en 1925 son Arthur, part avec son mari, sa mère Adeline (dont le mari, Joseph Pierre était maintenant décédé) ainsi que sa nièce Jeanne s’installer en Abitibi. Arthur y achète du Ministère public, pour une somme de 36$ qui pourrait nous parraître bien dérisoire aujourd’hui, une terre sur laquelle il construira sa maison, et dans laquelle ils vivront tous ensemble.
Mais, l’histoire ne se termine pas ainsi, vous l’aurez bien compris…
Un commentaire
funnysnow
La critique officielle ne sait pas quoi dire… Des familles en mille miettes, des orphelins qui ont grandit à gauche et à droite. Des familles entières qui partent avec rien que leurs bras et leur courage défricher des terres de misère dans un pays d'épinettes et de glaces. Quel courage mais aussi quelle tristesse. Des enfants abandonnés, quelques meubles, les vêtements qu'on a sur le dos et on part en espèrant se faire un avenir, ou du moins ne plus avoir faim, ailleurs….