La route est parfois longue
Je venais en effet de perdre ma fille quelques mois plus tôt – (Ou était-ce un an ? Je ne sais plus ! Qu’est-ce que le temps dans ces moments là de toutes façons !) Et j’étais par ailleurs à un cheveu de me séparer de mon mari, un grain de sable étant venu se mettre dans un engrenage déjà fragilisé par le deuil de notre bébé que mon mari et moi faisions chacun de notre côté…Chacun à sa façon…
Et j’étais surtout envahie par un poids de culpabilité écrasant devant le sentiment que cette petite fille, ma Juliette, je n’aurais jamais pu être sa mère de toutes façons… Ayant dans mes bagages un puit sans fond d’une histoire familiale dans laquelle telle une noyée, je n’arrivais plus à me sortir la tête… Ainsi écartelée entre ma peine devant la perte de mon bébé que j’ai tenu dans mes bras un trop court instant et …un certain soulagement devant cette évidence, impossible à avouer à voix haute, que j’aurais été la pire des mères pour elle… J’adore mon fils et je n’hésiterais pas à devenir une vraie harpie pour le protéger. Mais donner vie à une petite fille aurait sans doute été un peu pour moi comme de se jeter sans parachute dans le vide et sans filet de sécurité. Avec pour seule certitude celle de « crasher »…
Comment en effet aurais-je pu être une mère pour ma fille alors que la maternité se transmets dans ma lignée de mère en fille depuis des générations telle une bombe à retardement prête à exploser et dont on ne sait trop que faire ? Fallut-il en effet que cette idée de maternité ait à ce point une teneur radioactive inimaginable dans ma famille pour que mon arrière-grand-mère, Lucienne, eut préféré un beau matin prendre ses cliques et ses claques, laissant derrière elle deux enfants et un mari, pour venir vivre de la prostitution à Montréal ? Car la vérité est que j’imagine bien mal le Montréal du début des années 30 comme le royaume de la sécurité pour une femme…. Mais une vie qui lui sembla néanmoins à elle mille fois préférable que de se conformer aux idées reçues de ce que devait être la place d’une femme… Mais un geste qui n’en finit pourtant plus d’avoir des résonances, presque cent ans plus tard…
Je ne le sais toujours pas…
Mais une chose m’apparaît évidente aujourd’hui et c’est que Juliette est sans aucun doute venue m’aider à boucler cette histoire familiale qui était jusque là rien moins qu’un véritable ramassis de nœuds dans lequel il semblait alors impossible de m’extirper.
Il y a deux ans, lorsque je suis entrée dans son bureau, j’ignorais combien la route serait longue pour me mener de cette fille que j’étais à celle que je suis aujourd’hui.
Mais aujourd’hui, je commence à croire enfin que tous ces nuages pourraient se dissiper, laissant place aux rayons du soleil.
J’ai envie d’y croire.
4 commentaires
Linoa
Je viens seulement depuis quelques semaines sur ce blog, je ne commente jamais mais ce sujet là me parles tellement….
Je sais ce que c'est de devoir se reconstruire à cause d'une histoire familiale plus que compliquée et douloureuse. Le chemin est effectivement TRES long. Pour moi, la route n'est pas encore finie, la douleur est encore là, moins profonde certes mais toujours cachée au fond de moi et elle ressort de temps en temps histoire de gâcher mon quotidien. C'est très dur de vivre avec ça. Et la peur par contre est toujours là, pas pour moi non. Pour ma fille, peur qu'il lui arrive la même chose. J'ai envie de la préserver, je n'ai pas envie qu'elle sache, je ne veux pas que cette douleur s'installe en elle. C'est tellement dur à vivre. Je te comprend, du moins sur le point de l'histoire familiale.
Pour le reste, je ne sais pas ce que c'est de perdre un enfant et surtout dans ce contexte. Je ne peux donc pas te juger sur tes propos… Accroche toi, bats toi et profites de tous les bon moments qui s'offrent à toi…
MARIE
Merci Linoa de ton passage sur mon blog et de me lire ! Je pense que ce qui m'a aidé le plus c'est justement d'en parler et de constater que je n'étais pas seule à avoir une histoire plutôt compliquée (c'est un euphémisme !). J'espère pour toi que tu feras la paix avec ton histoire car c'est vraiment le plus beau cadeau qu'on puisse se faire à soi-même et peut-être même le plus beau défi qu'on puisse entreprendre dans une vie. Pour ta fille, je te dirais que tu ne dois pas avoir peur de lui raconter votre histoire. Je sais que c'est difficile mais j'ai réalisé ces dernières années que paradoxalement, ce qu'on ignorais de notre histoire faisait parfois plus de dommages que ce qu'on savais… Et que parfois, nous étions comme condamnés à répéter sans fin des scénarios dont nous ignorions pourtant tout. Je t'encourage donc à partager cela avec ta fille, lorsqu'elle sera en âge de comprendre bien sur (puisque je ne connais pas son âge). Car même si une histoire est difficile et s'est produite longtemps avant nous, elle fait néanmoins partie de nous… Et de comprendre ce qui s'est produit avant nous, parfois ça aide à comprendre des parties de soi et même d'en tirer du positif ou une certaine force. Je pense que c'est peut-être ça le plus beau: savoir qu'on est vivant et qu'on a encore ce pouvoir de faire de notre histoire quelque chose de «bon» pour soi… Et de pouvoir espérer léguer autre chose à nos enfants. Courage ! La route est longue mais elle vaut la peine je pense. À bientôt !
Charlotte
Je pense que l'important, là-dedans, ma toute belle, c'est que toi tu choisis de voir ça comme ça et que tu te sentes bien dans ta façon de voir la situation.
Moi je ne doute pas de ta capacité à avoir pu faire quelque chose d'aussi merveilleux pour elle que pour ton fils. Pour quelques simples raisons : tu es consciente des lacunes familiales et attentive à ce qui se passe autour de toi. Tu es très éveillée et réceptive aux changements. Oui ce fut un gros moment à passer. Mais peu importe. Maintenant, tu es celle que tu es grâce à toutes ces expériences.
Pour ce que je te connais, et mon opinion vaut ce qu'elle vaut là, pas énorme dans la balance de ta vie, tu es une personne très forte, brave et tellement intelligente et sensible.
Défait les noeuds de vipère et libère-toi 😉
xxx
MARIE
Merci Charlotte ! Tu es super gentille ! Évidemment, à chacun de suivre son rythme et de trouver la façon qui lui convient de se sentir mieux. Pour ma petite fille, le fait qu'elle était atteinte de trisomie est sans doute ce qui a constitué la plus grosse part du choc pour nous. Nous ne nous y attendions tellement pas ! Et c'est surtout cela je pense qui m'a confrontée à mes limites et qui a fait en sorte que le processus de changement est devenu incontournable pour moi. Je pense qu'avoir des enfants, ça réveille plein de choses en nous et ça nous fait revenir à l'essentiel ! Et grandir. Et devenir de meilleures personnes. Du moins, je le pense 😉
Un immense merci à toi de me lire !
Marie xxx