L’angoisse du poisson rouge, Mélissa Verreault
Un réel coup de cœur que ce livre que j’ai découvert un peu par hasard. «L’angoisse du poisson rouge» de l’auteure québécoise Mélissa Verreault est rien de moins qu’un bonheur de lecture !
Mère de triplées, l’auteure s’est attelée à l’écriture de ce livre comme on s’agrippe à une bouée de sauvetage: comme à un élément de survie alors qu’elle était en congé de maternité.
Je dois avouer que j’ai été charmée par cette belle découverte dont j’avais peu entendu parler jusque là et devant lequel j’aurai pu fort bien passer à côté, n’eut été cet article de La Presse qui en parlait justement. Un roman tricoté serré dans lequel nous passons du destin d’un soldat italien qui pendant la deuxième guerre mondiale, s’est retrouvé prisonnier des Russes, obligé pour survivre de marcher pendant des mois dans à l’immensité désertique d’un pays ravagé par les atrocités de la guerre; Manue, jeune graphiste Montréalaise sans boulot, multipliant les relations éphémères, mais surtout, désœuvrée en rupture avec sa mère et orpheline de sa jumelle. Puis, Sergio qu’elle rencontre dans un cinéma, avec qui elle partira à la recherche du fameux poisson rouge disparu de façon inexplicable.
Au bout, tous trois liés les uns aux autres comme on le découvre au fil d’une histoire qui parle autant de transmission que de secrets de famille.
En ce qui me concerne, je dois avouer que j’ai été un peu déroutée en plein milieu du livre, alors qu’on passe du Montréal d’aujourd’hui aux horreurs de la guerre. Un peu comme si je m’étais retrouvée devant une nouvelle histoire, en rupture totale avec le début du livre. Mais j’ai été bien avisée de persévérer car ce livre figure parmi mes coups de cœur des derniers mois. En lien à sa façon avec ces thèmes qui m’interpellent particulièrement et que ce court passage décrit si bien…
«Cela vient de me frapper. Manue et moi, nous nous croyions exceptionnels avec nos vies remplies d’anecdotes improbables et nos destins alambiqués. Nous n’avions pas pris conscience que c’est la norme. Tout ont une histoire incroyable. Il n’y a pas de vie simple. On a l’impression que certaines existences sont sans intérêt. C’est qu’on ne connaît rien de leurs chicanes de famille, de leurs déchirures amoureuses, de leurs maladies incurables, de leurs départs impromptus, de leurs enfants perdus, de leurs incendies dévastateurs, de leurs fortunes dilapidées, de leurs cordes au cou. Pas plus qu’on ne se doute des grands bonheurs qui accompagnent des sourires en apparence satisfaits.
On ne saisit jamais quelle part d’impossible cachent les regards qu’on croise.
On dit que six degrés nous séparent de tout le monde sur la planète. Que nous sommes liés les uns aux autres par un maximum de cinq personnes interposées. C’est beaucoup moins que ça, j’en suis certain.
Nous sommes liés les uns aux autres sans que rien nous sépare, tous semblables que nous sommes dans notre tentative infinie de nous reconnaître sur les visages qui défilent devant nous.» (Page 422)
«L’angoisse du poisson rouge», Mélissa Verreault, La peuplade, 2014