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Le chaos ne produit pas de chefs-d’oeuvre, Julia Kerninon

Ces dernières semaines, l’un des derniers livres a avoir trôné sur ma table de chevet livresque est celui de l’autrice Julia Kerninon portant sur le travail des écrivains, «Le chaos ne produit pas de chefs-d’oeuvre – Les écrivains, le travail et la légence» que j’ai lu avec bonheur.

Dans ce petit bouquin, l’autrice s’est penchée sur la question de savoir comment les grands écrivaient le devenaient, comment ils pouvaient occuper toutes leurs journées. Et surtout, ce qu’il en était de cette idée préconçue qu’on a d’eux à l’effet que pour ces dieux de la littérature, l’acte d’écrire soit quelque chose de facile.

«Dans les films, les écrivains sont presque toujours représentés de la même façon – assis à un bureau, écrivant à toute allure ou bien jetant l’une après l’autre des boules de papier froissé dans une corbeille. L’image est canonique, reconnaissable, puissante au point de se soustraire à notre raison – car enfin, qui pourrait croire que les livres sont réellement écrits ainsi? Qui, tenant dans ses mains Guerre et paix, La tache ou La Métamorphose pourrait penser que Léon Tolstoï, Philip Roth ou Franz Kafka sont simplement entrés en trombe dans une chambre de bonne, un verre d’alcool fort à la main, et ont tapé sur leur clavier sans s’arrêter jusqu’à l’aube, et qu’un matin ils avaient un livre?»

(Page, 15)

Et c’est justement cette image qu’on a en tête lorsqu’on pense à de grands écrivains tels John Steinbeck, William Faulkner et Ernest Hemingway. Une image, comme le démontre Kerninon, que ces écrivains ont un peu contribué à forger à travers les entretiens qu’ils ont donné au fil du temps. Car souvent, «invités à s’exprimer sur leur métier au travers d’entretiens littéraires, les écrivains ont tendance à s’inventer une identité, un parcours, parfois bien éloignés de la réalité…Délibérément, ils tâchent tous de se rapprocher d’une image préexistante et légendaire, qui les légitimeraient

J’avoue que j’ai personnellement beaucoup aimé voir à travers les parcours de trois cas précis – soit ceux de Steinbeck, Faulkner et Hemingway – le revers de cette image un peu idyllique mais certainement faussée qu’on a du destin des écrivains. Ces êtres un peu mythiques qu’on imagine facilement décider de s’assoir une après-midi pour écrire un chef-d’oeuvre en quelques heures. Une expérience que certains d’entre eux auront pourtant passé le reste de leur vie à tenter de répéter, en vain. Ou au prix de leur santé mentale. Parce que clairement, le succès ça crée forcément des attentes de la part des lecteurs pour les livres suivants.

Bref, j’ai vraiment beaucoup aimé cette réflexion de Julia Kerninon sur le travail de l’écrivain. Un travail qui loin du fantasme qu’il suscite, relève tellement plus d’un travail sans relâche, trop souvent dans la plus grande des solitudes.

En cours de lecture, je me suis demandé s’il n’y avait pas aussi un peu de l’effet d’un certain hasard sur ces grands succès littéraires. Dans le fait par exemple d’arriver avec son livre au bon moment socialement. Ou d’apporter d’une certaine façon avec son livre, une forme de réponse aux questionnements sociaux du temps. Je n’ai pas trouvé la réponse.

«Le chaos ne produit pas de chefs-d’oeuvre – Les écrivains, le travail et la légende», Julia Kerninon, Puf, mars 2020

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