Les dessous du maillot de bain, Audrey Millet
Quel meilleur moment que la chaleur caniculaire de l’été pour se «plonger» (quel jeu de mots quand même!) dans la lecture du livre de l’autrice Audrey Millet qui porte justement sur l’histoire du maillot de bain?
On ne se le demande même pas j’imagine!
Et c’est précisément ce que j’ai fait les derniers jours en passant à travers son bouquin «Les dessous du maillot de bain, une autre histoire du corps» que j’ai vraiment beaucoup aimé.
Car on ne s’en rend probablement pas compte mais le fait de se baigner et surtout, de porter un minuscule maillot pour se plonger dans l’eau, ça a été loin de l’évidence pendant des siècles. Aussi révolutionnaire en fait pour l’histoire des femmes que l’a été l’adoption de la minijupe.
Et c’est peu dire!
De prime abord, on peut penser qu’un livre consacré exclusivement à ce minuscule vêtement qu’est le maillot de bain peut sembler un peu superficiel et inconsistant, n’est-ce pas? Mais qu’on ne s’y trompe pas. Car l’histoire de ce vêtement de bain en dit énormément sur le corps humain qui de tout temps, à pu sembler choquant vu dans son plus simple appareil. Voire carrément scandaleux! Qui plus est – tu m’étonne !! – si le corps en question est celui d’une femme. Est-il besoin de le préciser?
Et oui! «Misère!» ne peut-on s’empêcher de se dire par moments au fil de ces pages, en réalisant combien le corps féminin a pu être diabolisé au cours des siècles, coupable par définition de tous les maux! Car dans la baignoire, se concentrent évidemment tous les dangers. Parmi lesquels les mauvaises pensées. « Surutilisée, l’eau devient immorale et rend pervers » (page 111)
«La perception des corps féminins et masculins est encore très différenciée au XVIIe et XVIIIe siècles. Le scandale pèse toujours sur le dévoilement de la silhouette féminine sur la plage ou aux bains. En dehors d’une recommandation médicale, la pratique de la baignade par les femmes reste un tabou et continue à les assimiler à des putains. Les réticences, guidées par les fantasmes masculins, persistent. Certaines voient dans les vagues qui frappent les corps une sorte de coït aquatique. L’indécence est bien là, blottie dans l’inconscient et les frustrations d’une sexualité contrôlée. Les activités dans l’eau doivent être encadrées »
Les dessous du maillot de bain, une autre histoire du corps, Audrey millet, pages 87-88
Mais l’évidence c’est qu’il est vraiment fascinant de découvrir dans cette petite histoire du maillot de bain à quelles contorsions ont dû s’astreindre les femmes (surtout elles) à travers le temps pour pouvoir se plonger dans l’eau en toute décence. Car si aux débuts, l’idée de l’eau a pu être associée aux dangers (pensons à la mer et aux naufrages), ça a pris des siècles avant de passer à cette idée de se baigner – quelle aberration! – pour le plaisir de se rafraîchir. Entre les deux, l’idée était suspecte quant elle n’était pas tout simplement jugée scandaleuse. Surtout ne rien voir n’est-ce pas? Quitte à porter de longues robes empesées de pierres pour être bien certaine que la jupe en question ne flotte surtout pas autour de soi! Celle-ci de couleur bleue idéalement, ou le plus foncée possible, afin de n’être surtout pas voyante. Et dans tous les cas, être munie d’une prescription médicale, ça va de soit!
Au fil du temps des tas de brevets d’invention ont été déposés afin d’assurer la baignade en toute décence. Des machines à bain (petits bâtiments montés sur roues dans lequel le baigneur change de vêtements avant d’être tiré par des chevaux en toute discrétion vers la mer); des paravents pour n’être surtout pas vue au moyen de première longue vue venue (c’était un phénomène populaire à certains moments, semble-t-il!). Ou encore, des «machines à bain» particulières inventées par un certain M. Bailey vers 1794 au Massachussetts, sorte de grosse piscine en bois placée dans l’eau pour se baigner en pleine mer à l’abri des regards….
Car bien sûr, cachez ce bout de peau qu’on ne saurait voir!
Bref! Cette idée de se baigner munie du plus minuscule des maillots de bain, c’est vraiment récent, le fruit d’un combat presque politique des corps.
Alors futile cette histoire du maillot de bain ? Oh que non!
Rien de moins que la plus rafraichissante des lectures en ce temps caniculaire!
Et vous? Vous l’avez lu?