Les lionnes, Lucy Ellmann
En ce jour 5 de mon Calendrier de l’Avent littéraire, c’est d’un titre un peu hors norme que j’en envie de vous parler. Soit «Les Lionnes» de l’auteure américaine Lucy Ellmann, paru cet automne.
Vous en avez entendu parler ?
Sinon, je vous le dit! C’est vraiment un objet indéfinissable! Un peu comme l’a été «Belle du Seigneur» de Cohen en son temps. Et c’est vraiment un euphémisme que de le dire!
Et le fait est qu’on est face à plus de mille-cent pages dans le cas des Lionnes d’Ellmann, rien de moins qu’une brique. Et la particularité de ce livre, c’est qu’hormis sa couverture jaune fluo criart qui représente un frigo, possession par excellence de la parfaite ménagère il va sans dire, il est écrit presque comme d’une seule phrase, sans point ni virgule. Et le fait est que dans le temps de le dire, on se retrouve rien de moins qu’à bout de souffle.
Ce que ça raconte ? L’histoire d’une femme, mère au foyer de quatre enfants qui habite en Ohio et qui passe l’essentiel de son temps dans sa cuisine à cuisiner des gâteaux destinés à des restaurants. Et qui se faisant, raconte tout ce qui lui passe par la tête. Et ça ratisse large, passant par la charge mentale, la maternité, la difficulté de vieillir, des armes à feu qui sont partout, des repas qu’il faut cuisiner sans arrêt, comme dans le jour de la marmotte, des enfants qui par moments nous rendent folles, des tâches ménagères qui nous enferment à la maison, de la mort de sa mère, du cancer qu’elle a affronté, le dérèglement de la planète, la domination patriarcale, l’asservissement des femmes, l’extermination des amérindiens, Trump, la pâte à dents, etc. Et à travers tous les tours, détours et autres disgressions des pensées de cette femme, les questions, trop souvent sans réponse… Comment trouver normal par exemple que les armes soient partout, que cette violence s’exerce sur les noirs, les femmes, les enfants?
Et il y a, aux deux lignes, le fameux «Le fait que» qui revient un peu comme une littanie. De sorte qu’on a vraiment l’impression d’être dans la tête de cette femme et de recevoir vraiment comme un coup de poing cette fameuse charge mentale dont on parle tant en même temps qu’elle peut sembler un peu abstraite pour certains.
« …le fait que Leo n’a vraiment aucune idée de ce qui se passe ici toute la journée, le fait qu’il deviendrait sûrement dingue si jamais il découvrait ce que signifie vraiment nourrir, habiller, loger et occuper un troupeau d’enfants, une troupeauté, le fait que je passe désormais mes journées à répondre à leurs besoins et à leurs demandes, nettoyer les toilettes, préparer les paniers-repas, étiqueter leurs effets personnels, leur laver et brosser les cheveux, pinailler sur tout, chercher les choses égarées, faire des fanouropitas pour les retrouver, supplice de la planche, Fanourios, « Hauts les coeurs, mes chéris !. »
(Page 21)
Au bout de quelques pages, je vous le garantie, on devient un peu comme sous hypnose. Paralysé et incapable de s’arrêter. Parce que le fait est qu’il n’y a pas d’échappatoire. Ni fin de chapitre. Ni point ou virgule pour respirer.
Les premières pages, je me suis dit que vraiment, je ne tiendrais pas le coup comme ça sur plus de mille pages. Mais rapidement, je me suis trouvée accrochée.
Au final, je retiens cette phrase parmi mille autres. Soit «du fait qu’il y a beaucoup de choses qu’il suffit d’oublier si l’on veut vivre sa vie.»
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