Amitiés,  réflexion

Les territoires inexplorés

Crédit: Pixabay

De nos jours, j’ai l’impression qu’on peut vraiment tout faire.

Car «Sky is the limit», n’est-ce pas?

Et encore !  Car les étoiles n’ont qu’a bien se tenir !

De nos jours, nous pouvons presque banalement changer de noms, de couleurs de cheveux, d’adresse, de mari ou de zone géographique. De sorte qu’il est clairement devenu possible de changer de vie, en tout ou en partie, si le cœur nous en dit!

Mais plus encore, il est même désormais possible d’imaginer tourner drastiquement le dos au genre que la nature nous a attribué et changer de sexe. Ou, de façon plus draconienne encore, de s’attribuer un troisième genre, indéfini celui-là, qui nous permette de nous dissoudre dans une identité cessant enfin de nous définir… Hors des étiquettes trop souvent limitatives et étouffantes d’un féminin ou d’un masculin qui s’est imposé à nous, bien avant notre naissance, et qui par conséquent, échappe à notre contrôle. Cela. bien sur, dans une société occidentale ou finalement, nous en sommes venus à croire qu’on avait forcément toujours le choix…

À condition de le vouloir vraiment.

À la limite, s’il fallait en croire ce que nous disent les avancées de la science, nous serions littéralement à un cheveux (sans jeu de mots!) de pouvoir changer de tête, au propre comme au figuré; un chercheur Italien se disant aujourd’hui persuadé qu’il finira plutôt tôt que tard par réussir rien de moins qu’une greffe de tête sur un éventuel sujet…

On a beau être sceptiques, je suis je l’avoue, assez fascinée de constater que s’il demeure un domaine qui, tel un territoire toujours inexploré, continue de nous échapper, c’est bien celui des relations humaines.

Vous ne trouvez pas ? Sinon, il suffit pour s’en convaincre de chercher à renouveler son cercle d’amis pour le constater assez rapidement…

Aujourd’hui en effet, le dernier tabou semble-t-il, c’est l’autre, l’étranger. Tout ce qui n’est pas soi.

Aussi, trop souvent, au lieu de voir la personne devant soi comme une découverte, préfère-t-on la voir telle une menace au connu.

Au lieu de percevoir dans la nouveauté un potentiel, on préfère y voir une agression à sa zone de confort.

Devant le bonjour d’un ou d’une inconnue, nous nous sentons soudainement comme dans une petite ville d’un coup assiégée par des rebelles; paralysés par une fulgurante envie, celle de fuir pour enfin retourner au confort figé et immuable d’un quotidien qu’on connaît bien…

Aujourd’hui, je me dis qu’on ne s’ouvre plus aux autres, préférant mille fois construire des murs plutôt que d’en abattre. Ou encore, en choisissant par exemple de faire la file pour passer à travers cette porte déjà ouverte… au lieu d’oser en ouvrir une autre. «Audace ultime» qui aurait pourtant ce pouvoir bien anodin de nous gratifier d’un sentiment de liberté presque enfantin… mais dont on a oublié depuis longtemps combien il pouvait être excitant.

Je l’avoue! Il m’arrive d’être prise de cette impression pesante qu’il soit devenu presque révolutionnaire d’affirmer qu’on a besoin des autres. Qu’on a soif de vie. Celle qui entre une gorgée de rouge et un éclat de rire bouge, respire, s’offre et palpite. Et qui ne se demande surtout pas pourquoi.

Sentir la vie autour de soi, tout banalement. Parce qu’aujourd’hui, nous sommes vivants. Demain, qui sait ?

Je suis mariée, j’ai un enfant, une vie bien remplie. Ensemble, l’Homme de la maison et moi, nous avons des parents vieillissants dont les besoins grandissants sont un peu comme un puits sans fond dans lequel il serait possible de nous noyer si nous n’y prenions garde…

Néanmoins, il m’arrive de me dire que tout cela, ça ne suffit pas. Que les contacts humains sont probablement au bien-être tout autant qu’à la santé mentale ce que l’eau est au corps physique, aussi brefs soient-ils. Tant le fugace échange de regards qui ne dure pas plus de trois secondes et quart provenant de celui, dans une foule, qu’on ne reverra jamais, et qui nous laisse avec un léger vertige sans conséquence. Que ces amitiés-surprises qui, semblant parties de rien et pour lesquelles nous n’avions pourtant aucune attente, et qui ont néanmoins su de la plus inexplicable des façons se frayer un chemin à travers nos vies parfois tortueuses et les transpercer de leur éclat un peu magique.

Et pourtant, lorsqu’il m’arrive d’être seule sur la terrasse pourtant bondée à midi, à manger un repas que je ne partage avec personne, ou encore, assise dans un café à regarder la vie qui devant moi s’étale, s’expose, éclate et explose, je me dis que nous sommes définitivement bien nombreux à nous sentir bien seuls.

Chacun sur son île bien fortifiée, derrière des lunettes fumées et à l’abri des regards…

Et de toute cette couleur un peu gaspillée surtout et dont on fini presque par oublier l’éclat.

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