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Méandres

Je vous disais dans ma chronique d’hier que les mots de Sophie Fontanel ne cessaient de tourner dans ma tête…faisant ainsi écho à mes propres questionnements…

En fait, s’ils résonnent aussi fortement c’est que comme vous le savez, je me questionne énormément sur le pouvoir de la filiation. J’ai comme cette impression (ou intuition ?) que dans toutes les familles, nous avons une question très précise à laquelle nous devons répondre. Ainsi, se peut-il que tant et aussi longtemps que cette question demeure sans réponse, nous sommes condamnés de génération en génération à être confrontés aux mêmes murs ?

Bien sur, je n’ai pas de réponse là dessus mais comme il n’y a que cette vision jusqu’à maintenant qui m’ait permis de trouver un possible sens à mon histoire familiale, qui autrement ne serait qu’une histoire caractérisée par le « n’importe quoi »…

Comment expliquer autrement en effet cette « répétition » plus qu’évidente depuis Lucienne, mon arrière-grand-mère qui a purement et simplement « levé les pattes », abandonnant ses enfants à la veille de la crise économique de 1929. Puis ma grand-mère Jeanne qui a trainé cet abandon tel un boulet toute sa vie et que je soupçonne de s’être sentie désarmée à la naissance de ma mère, se demandant comment elle pourrait bien faire pour être cette mère qu’elle même n’avait jamais eu….La petite histoire démontrant qu’elle n’a probablement jamais trouvé sa réponse… Face aux tabous, ces questions que l’on n’ose jamais poser et qui traversent les générations comme un long fleuve qu’on ne saurait arrêter, je me suis bien sur fait plusieurs scénarios sur ce qui pouvait expliquer la relation désastreuse entre Jeanne et ma mère ! Mais j’ai le sentiment que le plus probable est sans doute le plus simple, soit qu’elle se soit sentie comme une noyée devant sa responsabilité de mère, comme au bord d’un précipice qui ne pouvait faire autrement que de l’emporter…

Puis ma mère…cette femme que moi-même je n’arrive pas à comprendre bien qu’elle ne m’ait pas abandonnée dans les faits…Peut-être est-ce parce que je me suis sentie coupable de l’aimer malgré tout, comme le disait Alexandre Jardin au sujet de sa mère… Car s’il était facile pour moi d’en vouloir à mon père, pour son absence, en vouloir à ma mère était quelque chose que je pouvais difficilement (m’)avouer… Car lui en vouloir de son impuissance, c’était sans doute comme si je sentais confusément que c’était comme de m’en vouloir à moi.. Mais je lui en ai néanmoins voulu je pense, de m’avoir soumis plus souvent qu’autrement à des situations qui ont parfois dépassé le sens commun…

Et puis moi qui me suis sentie comme emportée par une tempête que je n’avais pas vue venir en apprenant que ma fille serait atteinte de trisomie… apercevant comme une évidence que j’aurais été incapable d’être sa mère, prise dans un gouffre dont je n’aurais pas su me sortir… Et recevant par ailleurs comme une gifle la révélation que moi qui me suis tellement battue depuis 40 ans pour être une histoire qui s’écrit et non une réédition…j’aurais répété la même impuissance!

Je me suis alors sentie tellement proche de cette grand-mère de qui j’ai regretté de ne pas m’être approchée plus de son vivant, ayant le sentiment de peut-être comprendre au moins un peu la force des démons qui l’avaient hantée…

Se peut-il que dans ma famille, nous ne sachions pas être des filles ni des mères…

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