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Orpheline

Photo: IStock
Je suis orpheline.

Ayant perdu mon père alors que j’avais tout juste neuf ans – après l’avoir perdu des années lumière avant ! – voilà sans doute le genre d’affirmation à des lieux de la révélation n’est-ce pas ?

Cependant, même si certains événements font partie de notre vie depuis des lustres, au point ou il ne nous viendrait jamais à l’idée de les remettre en question, ou encore de les regretter, arrivent parfois certains moments ou nous sommes confrontés, comme devant un mur, à l’évidence même. À cette vérité froide comme un cadavre devant laquelle nous avons toujours détourné le regard parce que dérangeante… Ou parce que nous n’étions pas parvenu à l’identifier… Tout simplement.

C’est un peu ce qui s’est produit pour moi ces derniers jours, alors que j’ai été foudroyée par cette évidence même que j’étais handicapée d’une certaine façon par cette relation père-fille que je ne connaitrai jamais.

Pour ceux qui ne connaissaient pas mon blogue alors que j’ai raconté l’histoire de mon père, j’en parlais ici. Puis ici

Ainsi, ce lundi alors que je revenais au travail après une semaine de vacances, j’ai appris qu’une proche collègue avait perdu son père pendant mon absence.  En deuil, elle était bien sur émotive alors qu’elle venait de déménager son père de centre d’hébergement, chose pour laquelle elle se sentait coupable. Convaincue que ce déménagement avait eu raison de lui…et de son coeur.

De la voir aussi émotive m’a d’un coup lancé en plein visage cette vérité dont je n’avais jamais eu vraiment conscience jusque là et selon laquelle cette relation si privilégiée entre un père et sa fille, celle dont on dit partout qu’elle est si particulière… JE N’EN SAVAIS STRICTEMENT RIEN !

Mais ce qui m’a le plus perturbée je pense c’est lorsque cette autre collègue dont le père est aussi décédé, en début d’été quant à lui, est venue nous rejoindre à mon bureau afin d’offrir ses condoléances … Toutes deux se sont alors prises dans les bras l’une de l’autre, partageant l’espace d’une seconde ce même moment ou suite à la perte d’un être cher, nous nous retrouvons comme suspendu dans un vide d’une profondeur abyssale et dont la noirceur nous laisse sans voix…

J’ai alors ressenti, moi aussi, ce vide immense que j’ai fini par prendre pour de la normalité: ce vol pur et simple de ce qui aurait fait de moi la fille de mon père… 

La capacité de pleurer sa mort…

Ce soir, je suis revenue du travail après avoir récupéré mon fils à la garderie. Comme tous les enfants de cinq ans, il m’étonne bien souvent par son imagination et sa capacité de trouver des questions auxquelles je ne sais pas toujours que répondre. Mais jamais autant que lorsque après m’avoir regardé pendant un moment –  retenant visiblement une question qui le taraudait depuis un bon moment semble-t-il – il m’a demandé «Il est ou ton père maman ?»…  

Ainsi, pour la première fois en quarante-deux ans, je me suis sentie cruellement orpheline. .. et j’ai eu envie de pleurer mon père.

Comme quoi, sans doute pouvons-nous retarder certains deuils…  Mais jamais les éviter…

2 commentaires

  • Anonymous

    On parle depuis toujours de la coupure du cordon ombilical avec la mère au sens propre comme au figuré, mais on ne parle pas du cordon émotionnel avec le père.

    La relation père/fille est tellement importante – au point que très souvent lorsque vient le temps d'avoir un compagnon – beaucoup de femmes choisiront un homme ressemblant à leur père.

    Alors, je comprends que tu te sentes orpheline de ton père même s'il n'a pas fait partie de ta vie quotidiennement.

    Marie-Jo

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