Pages féminines d’un autre temps…La journée d’une femme
Une opinion de femme…
LA JOURNÉE D’UNE FEMME
MESSIEURS, vous êtes-vous déjà demandé ce que c’était qu’une journée de femme? Vous êtes-vous déjà posé cette question: Ma femme aime-t-elle son métier d’épousseteuse, de blanchisseuse, de couturière, de décrotteuse? Ma femme s’ennuie-t-elle à la maison? Peu d’hommes se cassent la tête avec de si petits problèmes.
Eux, ils choisissent leur métier. Eux, ils travaillent où ils veulent. Eux, ils choisissent leur patron. Eux, ils sont libres de le plaquer ce patron.
Nous, nous consentons à être les servantes, les esclaves des hommes: ils ne s’en aperçoivent même pas.
Messieurs, je vais vous décrire la journée de votre femme. Le matin, le mari quitte son épouse hâtivement, bien souvent il l’embrasse, parfois il oublie. De toute façon, elle a l’impression de s’être frotté le museau sur une poignée de porte. Les enfants à leur tour partent pour l’école. La femme reste seule avec le bébé.
Messieurs, un bébé qui joue, qui pleure, qui fait pipi; ce n’est pas une compagnie bien reposante, ne l’oubliez pas. Le matin, elle travaille à chasser la poussière, travail passionnant, instructif et enrichissant. Le midi, si les grands ou le mari reviennent dîner, elle ne profitera pas de leur présence, elle a trop à faire à préparer le repas, servir, desservir. Le plus souvent elle mange seule sur le bout d’une table. Et il reste un grand après-midi vide à combler. Il y a bien le reprisage, la cuisine. Les hommes nous assurent que ce sont de nobles tâches, moi je vous assure, Messieurs, que ce sont des tâches plates.
PENDANT que ses mains travaillent, la femme ressasse ses soucis, elle fait des projets, elle rêvasse, elle s’ennuie. Sa pensée est tendue vers son mari, ses enfants. Elle pense à eux, les aime…lui en sont-ils seulement reconnaissants? Peu à peu son ennui se change en impatience, puis en amertume. Vers 3 heures, elle commence à attendre. Les enfants rentrent de l’école. Elle les embrasse, les interroge, mais ils ont des devoirs à faire, ils ont envie de jouer entre eux; ils s’échappent. La maman reste seule. Et puis souvent, ils sont tapageurs, méchants même. Il faut toujours gronder, crier, supplier. Les enfants sont un fardeau parfois.
Elle attend de plus en plus son mari. Que fait-il? C’est pourtant l’heure. Il a travaillé, lui. Il a vue du monde, lui. Il a causé avec des gens, lui. Il n’a pas pensé à elle, il retarde. Elle songe avec douleur qu’elle est bien sotte. Mais que faire ici-bas sinon que d’être la femme d’un homme? Enfin le mari arrive, les mains vides, le sourire vide, le cœur plein d’appréhensions. La femme souvent se venge par une scène de l’ennui, de l’attente de la journée. On mange en faisant semblant de digérer ce qu’on avale. On parle un peu, mais sitôt après le repas, chacun se retrouve seul et heureux d’être seul. Toute une soirée d’ennui encore. Cependant la femme se demande avec un espoir anxieux ou une appréhension non mon anxieuse, si cette nuit, enfin ou encore, il se passera quelque chose. Elle s’endort, déçue ou irritée; rarement contente.
Oui Messieurs, ennui, attente, déception, voilà la journée d’une femme! Évidemment, il y a des évasions, mais qui ne peuvent être des compensations. Un après-midi au cinéma ne vaudra jamais pour une femme un téléphone de son mari, téléphone affectueux va sans dire. Toute l’attente de la journée peut s’oublier si au retour un mari gentil dit le mot qui vient du cœur et qui va droit au cœur.
Messieurs, ce n’est pas une sinécure que le métier d’épouse, essayez-le vous verrez!
(Le petit journal, 24 août 1952)
2 commentaires
Yasmine
De bonnes paroles pour éveiller la conscience de ces messieurs … mais le combat est toujours du fait des femmes !!!
Yasmine
Marie
Bonjour Yasmine !
C’est tellement spécial de lire les vieux journaux. Je me dis parfois que plus ça change, et plus c’est pareil !
Comme quoi, les grands changements mettent du temps !
Bonne journée à toi !
Marie