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Pages féminines d’un autre temps… Mesdames, cessez de vous plaindre

C’était journée de la femme hier. Une belle occasion de constater que de l’eau a «au moins un peu» coulé sous les ponts depuis les années cinquante…

On peut en rire…. Ou pas!

Ici, un article de mars 1959 dans lequel l’auteur considère qu’avec l’arrivée des électroménagers, les femmes auraient bien tort de se plaindre…

Allez gang de fainéantes ! Retournez à vos magazines!

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Vous n’avez pas le droit  de vous plaindre, mesdames!

Les femmes n’ont jamais eu la tâche si facile!

Non, les femmes n’ont plus le droit de se plaindre de cet  «horrible travail de maison qui n’en finit jamais»! Comment? Avec tous ces appareils électriques, les femmes n’ont presque plus rien à faire dans la maison! Elles auraient le droit de se plaindre si un bon matin, il y avait une panne d’électricité qui les obligerait à faire la lessive sur une planche comme nos  arrière-grands-mères, ou bien à faire prendre un feu de bois dans le jardin pour frire les œufs du déjeuner!

En 1959, il n’y a même plus de pannes d’électricité, du moins pas assez pour qu’on en parle. Si par hasard il y a une panne à l’heure du souper, croyez-vous que madame va essayer de faire cuire le repas sur un feu de bois? Pas du tout. On saute dans la bagnole familiale et on va manger au restaurant.

«Je suis morte»

Quand monsieur rentre du bureau et qu’il trouve madame étendue sur un divan, les yeux mi-clos, les traits tirés, il se demande quelle catastrophe a bien pu se produire  dans la journée. Lui qui s’est creusé les méninges toute la journée, il essaie de décrire à sa femme combien il est fatigué. Il n’a pas le temps d’entrouvrir la bouche que déjà sa tendre moitié l’interrompt d’Un air sévère et lui dit : «Toi tu n’as pas le droit d’être fatigué. Tu as passé ta journée assis derrière un bureau à donner des ordres à ta secrétaire. Mais moi, (soupir profond) moi, j’ai fait le lavage, le repassage, le nettoyage de la maison, je suis allée reconduire les enfants à l’école. Je suis morte.»

Du travail, ça?

Non, elle n’a pas le droit de dire ça! Voyons plutôt ce qui s’est vraiment passé. Après le départ de son mari, madame est allée reconduire en auto les enfants à l’école qui  est à deux rues de là.

Elle est ensuite rentrée à la maison, ou elle a siroté une bonne tasse de café bien étendue sur le divan en lisant les journaux du matin. À 9 heures 30, elle a téléphoné à sa mère. À 10 heures 30, elle a pris la boîte à linge sale, l’a vidée dans la lessiveuse automatique et est allée téléphoner à une de ses amies. À 11 heures, elle a sorti le linge de la lessiveuse et l’a jeté dans la sécheuse. Pendant que le linge séchait, elle a écouté ses romans-savon favoris. À midi, les enfants sont rentrés. Madame a ouvert une soupe en boîte, a sorti un dîner congelé du réfrigérateur, a coupé quelques morceaux de gâteau que le boulanger lui avait laissé le matin et a renvoyé les enfants à l’école, à pied cette fois.

La pire corvée

À 1 heure, madame a commencé le repassage, avec la repasseuse électrique naturellement. Comme presque toutes les choses au lavage étaient faites de tissus qui ne requièrent aucun repassage, l’opération lui a pris en tout dix minutes. Après une autre tasse de café grandement méritée, un court téléphone à une amie, madame a sorti l’aspirateur pour nettoyer le tapis du salon. Elle n’a pas eu à soulever tous les bibelots de la maison pour faire un époussetage à fond, car la femme de ménage l’avait fait la veille.

Quand le salon a été bien propre, madame s’est dirigée vers la salle de bain. Évidemment le bain avait un cerne grisâtre car monsieur s’en était servi le dernier («ah celui-là, il ne pourrait pas faire une petite chose aussi simple que de nettoyer le bain qu’il il s’en sert! C’est moi qui suis obligée de tout faire ici. Je ne suis pas une esclave après tout! Ah si sa mère ne l’avait pas tant gâté») Le nettoyage du bain fut vraiment la besogne la plus éreintante de la journée de madame, car, même à l’âge des spoutniks, on n’a pas encore inventé  une machine qui laverait la baignoire sans casser les reins de la pauvre maîtresse de maison.

Bla…bla…bla…

Le bain ayant repris sa blancheur originale, madame se dirige d’un pas affaibli vers le divan du salon. Elle commença à feuilleter une revue, jeta un coup d’œil inquisiteur autour d’elle et décida que le salon avait vraiment besoin d’être rafraîchi. Elle inscrivit sur le bloc-notes à côté du téléphone : «Appeler la décoratrice d’intérieur demain matin.» Puis Mme Laframbroise téléphona pour demander si la partie de bridge allait toujours avoir lieu le lendemain après-midi. Oui, chez Mariette. «Tu as remarqué comme le tapis du salon est vieux? Tu sais que son mari a fait de grosses dettes. Le gouvernement a étudié ses rapports d’impôt. Il faut que je commence à préparer le souper… La parade de mode l’autre jour…. Ces adorables petits chapeaux… C’est ça, nous irons magasiner demain avant le bridge…Bla…bla…bla…

Souper éclair

4 heures 30. Les enfants rentrent de l’école et s’engouffrent aussitôt dans la cave pour regarder leurs programmes de télévision. Madame se dirige vers la cuisine, met un rosbif dans une casserole, règle le fourneau à la chaleur voulue et presse un bouton. Une heure et demie plus tard, une sonnette annoncera que tout est prêt. Elle n’a que le temps de retourner vers le divan. On entend la porte d’en avant se refermer doucement. Monsieur, les épaules voûtées d’avoir passé une demi-heure debout dans l’autobus fait son entrée. Il entrouvre la bouche pour faire le récit de sa terrible journée, mais madame l’interrompt d’un air sévère. «Je suis morte, Hector, tout simplement morte».

Morte de quoi, je vous le demande? Quand on pense que cette jeune femme a eu ne grand-mère qui se levait à l’aube, faisait le déjeuner de toute la famille sur un poêle à bois qu’elle devait allumer elle-même, faisait chauffer d’immenses chaudrons plein d’eau pour faire la lessive à la main, repassait ensuite avec de lourds fers.

Énervant

Il arrive quand même que les maitresses de maison, modèle 1959, fassent des dépressions nerveuses. Un médecin américain, le docteur Rober L. Faucett, de la fameuse clinique Mayor, en a donné la raison : le travail de maison est très énervant et compliqué.  Les femmes modernes travaillent sous pression. Essaient-elles de se plaindre? Le mari se moque d’elles car il lui est impossible de comprendre que sa femme est fatiguée alors que tout le travail de maison se fait automatiquement. Il devrait comprendre que, presser un bouton, il n’y a rien de pire pour les nerfs!

(Le Petit journal, 8 mars 1959)

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