Sur ma table de chevet

Quelqu’un d’autre, Tonino Benacquista

Qui n’a jamais eu envie de devenir quelqu’un d’autre? On se le demande n’est-ce pas ?

L’espace d’un instant, changer de vie. Ou de façon plus drastique, en changer pour toujours… Par exemple, se faire teindre en blonde et s’exiler à l’autre bout du monde, comme il m’est d’ailleurs arrivé moi-même d’y penser à certains moments de ma vie!

Mais, changer de vie, ce n’est pas toujours fuir ! Mais parfois aussi, rêver de devenir celui ou celle que nous aurions voulu être. Cette personne qui n’aurait pas abandonné ses rêves en cours de route. Qui aurait eu le courage d’aller jusqu’au bout! Et c’est là justement le  postulat de départ de ce tout petit bouquin de l’auteur Tonino Benacquista que j’ai décidé de prendre avec moi lorsque je suis partie en voyage le mois dernier. Mais dont j’ai terminé la lecture seulement hier. Parce que, comme à mon habitude, je me retrouve toujours à lire trois ou quatre livres en même temps! (est-ce là la preuve ultime qu’on ne se réinvente pas ?)

Bref! Ce livre raconte l’histoire de deux hommes qui lors d’une soirée trop arrosée, décident à l’aube de leurs quarante ans de changer de vie. Littéralement. Le premier, Thierry Blin, décide dès lors de s’improviser détective privé. Quitte, pour s’assurer de passer incognito et surtout, pour rendre le changement irréversible, à changer de vie, de visage (au propre comme au figuré), même de nom… Le deuxième,  Nicolas Gredzinski, employé un peu raté et anonyme (mais surtout, assujetti à un patron tout puissant) d’une grande boîte, décide quant à lui de flotter allègrement entre deux versions de lui-même. Celle que tous autour de lui connaissent. Et cet autre, celui qu’il devient sous l’effet des vapeurs de l’alcool et leurs vertus libératrices… Plus audacieux, plus libre. Et qui surtout, ne craint rien ni personne.

S’étant rencontrés par hasard lors d’un match de tennis improvisés, les deux lascars se donnent donc rendez-vous, trois ans plus tard, jour pour jour, pour rendre état de leur réussite (ou de leur échec) dans ce match pour lequel aucun moyen n’aura été épargné entre-temps, comme on le découvre en cours de lecture.

J’avoue que tout au long de cette lecture, je me suis sentie comme un peu en attente. En attente je dirais de ce beau coup de coeur que j’avais ressenti lors de la lecture de «Saga», cet autre roman un peu absurde de Tonino Benacquista qui m’avait littéralement conquise il y a quelques années. Toutefois, bien que dans «Quelqu’un d’autre» nous retrouvions jusqu’à un certain point cet humour de Benacquista qui m’avait tellement séduite alors, je dirais que c’est autre chose qui ici, m’a plutôt interpellée: le sujet qui au final, suscite une réflexion que je n’aurais pas imaginé en débutant ma lecture.

Et en effet, ici l’auteur nous amène à réfléchir aux grandes questions que sont celles de l’identité et de la recherche de qui nous sommes réellement à travers la construction de cette identité.

Et à ce titre, la partie qui m’a semblé la plus intéressante je pense, c’est ce questionnement suscité par la rencontre entre Nicolas et Lorraine. Cette femme avec qui Nicolas partage toutes ses nuits mais de qui il ne sait absolument rien de qui elle est, d’où elle vient et ce qu’elle fait de ses journées, en dehors de son nom. À la limite, s’appelle-t-elle réellement Lorraine, comme il se le demande même un moment donné? N’empêche, Nicolas construit avec elle au fil des pages une relation qui s’avère suivie dans sa durée. Chacun y trouvant son compte jusqu’à un certain point dans ce qui s’avère être un «ici et maintenant» duquel est absent tout ce questionnement de savoir qui l’on est dans sa définition strictement «sociale». Cette «identité sociale» que chacun porte en soi et qui semble devoir être authentifiée sur des papiers d’identité, ceux-ci  apportant la reconnaissance d’autrui à travers un statut social reconnu. De là ces premières questions que l’on se retrouve invariablement à poser, tous autant que nous sommes, à un ou une nouvelle venu(e) à qui on demande un pas si banal «que fais-tu dans la vie?»…

Étrangement, cette lecture qui semblait devoir me laisser sur ma faim…me laisse plutôt bien songeuse, longtemps après avoir terminé la dernière page.

Au final, j’en suis à me demander si en changeant de vie, nous devenions forcément quelqu’un d’autre. Ou simplement une autre version de nous-même, celle-ci simplement présentée sous un autre angle…

Vous l’avez lu ? Comment avez-vous trouvé ce livre de Benacquista?

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