littérature,  suggestion

Reflets dans un oeil d’homme: Désolée de ne pas être sur la même longueur d’onde que vous, Mme Huston!

Choisir sa propre voix, ce n’est pas forcément toujours confortable, bien loin s’en faut!

Voilà pourquoi j’ai décidé, après bien des tergiversations, de remettre ici la version originale de ce billet qui avait été modifié à quelques reprises en cours de semaines….
Vous comprendrez sans doute pourquoi en le lisant…

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« Reflets dans un œil d’homme » de Nancy Huston. Il y avait un bon moment déjà que je souhaitais vous parler de ce livre. Car lorsque cette auteure publie un bouquin, bien sur, je m’élance en librairie pour le lire au plus vite! 

Quitte à devoir le commander en Europe parce que l’on prend des mois à nous l’offrir ici, au Québec. Quitte à devoir renoncer à l’un de mes deux bras pour pouvoir payer les frais d’expéditions, habituellement convaincue que la chose demeure  sans conteste un bon investissement, tenant compte du fait que le livre n’a mis que deux jours à me parvenir… Alors que mon libraire, lui, me demandait d’attendre six mois !
Et c’est bien ce que j’ai fait (excepté pour mon bras, bien sur !). Même si avec le recul, je me dis que j’aurais tout aussi bien pu attendre. Ou mieux encore, m’abstenir. Et je l’avoue, cela c’est excessivement difficile à avouer pour la fan que j’étais de Nancy Huston qui cette fois, m’a déçue royalement !
Bien sur, le postulat de départ avait tout me plaire et m’attirer. Soit qu’aujourd’hui, alors que nous, les femmes occidentales nous nous pensons libres, en opposition avec les femmes voilées, nous n’avons probablement jamais été aussi prisonnières de la toute puissance de l’image. Et comme l’auteure le dit elle-même, « Nous incarnons bien moins que nous le pensons, dans notre arrogance naturelle et candide, la femme libre ou libérée. Nous montrons du doigt les femmes qui se couvrent les cheveux; nous, on préfère se bander les yeux. »
Mais voilà, je n’avais pas soixante pages de lues que déjà, je déchantais. C’est qu’en parlant surtout de prostitution et de pornographie (avec surabondance de citations tirées des livres de feu Nelly Arcan), en partant des spécificités relatives à chacun des sexes, hommes et femmes, Nancy Huston s’emmêle plus d’une fois dans son argumentation qui bien souvent, ne tient pas la route. Et je ne parle même pas ici des raccourcis faciles et des clichés dont elle abuse pour justifier cette argumentation déjà déficiente en elle-même…
Par exemple, presque au début du livre, Huston démarre-t-elle son argumentaire en associant directement enfance instable et prostitution pour les filles ou violence pour les hommes. Au delà de ce destin, point d’autres options à ses yeux, semble-t-il !
« Plus on a eu une enfance instable, plus on a vécu dans l’insécurité, plus on est en proie aux doutes quant à l’amour que l’on mérite et à l’avenir qu’on va pouvoir se construire, plus on aura tendance, à la puberté, à chercher le sens dans la prise de risque. Chacun prendra les risques propres à son sexe, en exacerbant les signes et comportements typiques de celui-ci. La fille s’efforcera de briller par la beauté et le sex-appeal, prenant le risque de se faire tabasser, violer, assassiner. Le garçon tentera de briller par l’audace et la dureté, prenant le risque de se faire coffrer ou tuer. À l’horizon, deux paradigmes: la pute et le caïd. » (pages 63-64)
Plus loin, elle associe les hommes et la violence, cette réaction qui serait selon elle la seule possible pour ces messieurs… De là à dire que les hommes sont nécessairement violents, il n’y a qu’un pas qu’elle franchit ici allègrement !
« Rien de plus banal que de voir un garçon en mal d’être emprunter le chemin de la violence et de la transgression. L’évolutionniste David Buss se demande: « Comment la pression de la concurrence reproductive à laquelle sont confrontés les hommes explique-t-elle les formes typiques de la violence masculine? Prenez le cas d’un homme qui a peu de ressources et un statut social médiocre, et qui, du coup, est sans intérêt pour les femmes. Dépourvu de tout ce que désirent les femmes, il est engagé dans une impasse sur le plan reproductif. Comme il n’a rien, il n’a rien à perdre. La violence devient un moyen très tentant pour améliorer ses perspectives. (…) Il adopte un comportement de prise de risques. (…) Voilà pourquoi, à travers l’histoire humaine, les guerriers, aventuriers et explorateurs viennent si souvent des rangs des hommes ayant peu de stratégies alternatives pour se procurer les avantages du statut et des ressources. Et voilà pourquoi les hommes tout en bas de l’échelle reproductive recourent plus souvent à la violence » (page 67)
Et la page suivante, ça ne s’améliore pas. Du côté masculin les SDF, les détenus, les toxicomanes, etc.. Et côté des femmes le viol, la prostitution, la violence physique et l’excision. Comme si bien sur, les femmes ne se retrouvaient jamais en prison, n’étaient jamais violentes ou encore, ne faisaient jamais usage de drogues…
Et elle en rajoute.
« Si l’on ne croit pas à la différence des sexes, on pourrait ultimement faire un tour dans les prisons: dans le monde entier, la population carcérale est masculine à 90%. … Pour peu que l’on regarde le monde autour de soi, on voit que la différence des sexes y est partout inscrite, de façon flagrante et souvent douloureuse. Il y a des souffrances spécifiques aux garçons (ce sont eux, de façon prépondérante, les sans domicile fixe, les détenus, les toxicomanes, les accidentés de la route, les suicidés…) et aux filles (ce sont elles les violées, les prostituées, les battues, les excisées» (Pages 68-69)
Bien sur, une fois le livre en mains, j’ai voulu me rendre jusqu’au bout. Absolument convaincue qu’il était impossible que le tout soit un tel désastre littéraire ! C’est pourquoi j’ai été tellement dépassée par le peu de logique de ce qui avait de moins en moins de sens, plus ma lecture avançait…
Ainsi, plus loin, parlant d’une lectrice qui lui avait un jour écrit suite à la lecture de l’un de ses livres, Nancy Huston, ma foi, dérape complètement !
« Quelques mois plus tard, O. m’a écrit pour me dire qu’elle avait fait une nouvelle tentative de suicide et se trouvait en clinique psychiatrique. Je suis allée la voir à nouveau et, cette fois, elle m’a parlé de son enfance. À peu près tous les facteurs dont je me disais qu’ils favorisaient une scission grave entre « moi » et « mon image » s’y trouvaient réunis: déménagements fréquents; sensation de sables mouvants; disparition d’un parent, dont on se sent coupable, responsable. On se dit que si l’on respire on provoquera la disparition de l’autre parent. On devient donc une petite fille « facile », coopérative, arrangeante, toujours prête à voir les choses du point de vue de l’autre. « Si vous voulez…! » Sans pouvoir se demander de que l’on veut, soi; sans même qu’il y ait vraiment, quelque part, un soi pour vouloir. » (Page 219)
Arrivée à cette étape de ma lecture, je l’avoue, je n’en pouvais plus ! Et surtout, je n’avais qu’une envie! Écrire à l’auteure pour lui dire combien son livre m’était apparu comme du n’importe quoi doublé d’une mauvaise foi sans nom !

Je lui aurais alors raconté que pendant mon enfance, j’avais moi même déménagé tellement de fois qu’un jour, ma mère avait décidé d’arrêter de compter. Ce jour-là, nous en étions à notre trente-deuxième déménagement. Et ce ne fut pas le dernier…

Et puis, je lui aurais aussi raconté que les « sables mouvants » dont elle parle, j’en avais eu mon lot, moi aussi. Témoin de la violence de mon père envers ma mère alors que je n’avais que quatre ans. Et me souvenant encore aujourd’hui de toutes ces fois ou nous avions du nous cacher chez une tante ou une autre. Nous étant même arrivé de vivre caché dans le grenier d’une grand-tante pendant des semaines, de peur que mon père ne nous trouve. Puis des années plus tard, dans un centre pour femmes battues lorsque ma mère a quitté son deuxième mari…. Cela, avant l’arrivée dans le décor du troisième…

Ainsi selon vous, Madame Huston – lui aurais-je dit!- étais-je donc destinée à devenir une « petite fille facile, coopérative, arrangeante, toujours prête à voir les choses du point de vue de l’autre » ?

Désolée Mme Huston. Cette fois ci, vous êtes royalement à côté de la plaque !

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Il y a de ces hasards parfois…

Ainsi, tout juste ici, dans un billet publié il y a quelques semaines, je faisais cette liste des choses que je souhaiterais faire/réaliser ou accomplir un jour, peut-être…

Au point 6, je souhaitais justement (en fantasmant un peu bien sur !) prendre un jour un café avec Nancy Huston, histoire de discuter bouquins….

J’ai comme l’impression que ça ne risque plus de se produire n’est-ce pas 😉

Mais advenant qu’elle passe un jour par ici, (on peut toujours rêver n’est-ce pas ?), je serais heureuse alors de lui faire découvrir une autre version du monde. Un peu moins morose que celle qu’elle dépeint dans ce dernier livre…

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