Sur ma table de chevet

Romain Gary s’en va-t-en guerre, Laurent Seksik

Vendredi dernier,  j’ai profité d’une journée de congé pour assister à une matinée d’atelier d’écriture dans le cadre du Métropolis Bleu, événement littéraire montréalais qui revient ici chaque printemps. Et dont je surveille toujours avec attention la mise en marché des billets, histoire de ne pas passer à côté. Cette fois-ci, l’atelier bénéficiait de la présence de Laurent Seksik, l’auteur du roman «Romain Gary s’en va-t-en guerre» sorti récemment en librairie.

Livre dont, bien sur, je m’étais assurée d’avoir terminé la lecture avant le Jour J.

Et de fait, le thème même de ce roman à tendance biographique avait tout pour m’interpeller. L’auteur brossant ici un portrait romancé de Romain Gary à travers, non pas l’angle de la mère trop aimante, présence maternelle enveloppante dont ont d’ailleurs souvent parlé les auteurs s’étant essayé à brosser un portrait de Gary. Mais plutôt sous l’angle du père absent du réel dont Gary a tenté toute sa vie de passer dans le tordeur de la fiction l’image. Et c’est sur ce postulat qu’avant d’inventer Émile Ajar, Romain Gary (né Roman Kacew) s’est inventé un père (laissant notamment entendre que ce père imaginaire aurait été Ivan Mosjoukine, acteur russe célèbre de l’époque du cinéma muet) que s’appuie le roman de Laurent Seksik.

Je dois avouer qu’après avoir lu, il y a longtemps déjà, une grande partie de l’œuvre de Romain Gary, j’ai particulièrement apprécié ce livre qui nous le présente ici, sur une période de 24 heures en janvier 1925, sous le regard de cet adolescent qui découvre d’un coup que son père qui les a abandonné pour d’autres bras, sa mère et lui, est sur le point de signer définitivement la fin de leur vie familiale.  La nouvelle conjointe de son père étant enceinte d’un enfant, un peu comme le signe définitif de cette rupture…

Une rupture qui en elle seule pourrait sembler anecdotique, mais qui au regard de l’histoire, apparaîtra comme radicale et définitive.

Au-delà de cette vision de ce qu’a dû être le fait de tenter de survivre dans un ghetto aux heures sombres de la guerre, le moment le plus fort du livre m’est apparu dans le tout dernier chapitre, fort bien écrit au demeurant, dans lequel on voit le père de Romain Gary, qui seul devant un allemand, discute. Un peu comme inconscient qu’il vit là ses dernières heures… La vérité tragique étant que toute la famille de Romain Gary sera emportée par l’Histoire, tous étant destinés à être exterminés par les allemands…. Les Kacew ayant été dès lors littéralement balayés de la carte. Au propre comme au figuré.

Roman et sa mère s’étant exilés à Nice en 1925, ils furent par conséquent les deux seuls survivants, l’entièreté de la famille ayant été emportée dans le grand chaos…

Au final, même si «Romain Gary s’en-va-t-en guerre» ne prétend pas être une biographie en tant que tel, le livre permet de remettre en contexte les origines de cet écrivain qui donna tant l’impression d’avoir à s’inventer lui-même.

Comme la vie qu’on est forcés de reconstruire, sur les ruines…

Et on en vient même à imaginer qu’il ait pu se sentir coupable, d’une certaine façon, d’y avoir survécu.

Ce livre, très clairement, continue de susciter ma réflexion, plusieurs jours après en avoir terminé la lecture.

Et vous ? Vous avez lu ce livre de Laurent Seknik ? Qu’en avez-vous pensé ?

Quant à moi, je vous reviens dans mon prochain billet sur mon expérience lors de l’atelier d’écriture lui-même…

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