Trace
Ces jours-ci, je me sens un peu comme si j’étais dans le jeu Ou est Charlie.
Vous savez ? Ces livres-jeu pour lesquels le lecteur doit tenter de retrouver le personnage de Charlie, grand maigrichon caché quelque part à l’intérieur d’une image des plus colorées et parsemée d’une multitude de personnages. Mais également d’objets, constituant une masse des plus hétéroclites. Et je ne parle même pas ici du fait qu’il s’y trouve d’autres personnages, habillés de la même façon que Charlie, ce qui ajoute d’autant à la difficulté de le retrouver parmi cette multitude.
Aussi, de partir à la recherche de mon arrière-grand-mère, Lucienne, comme je le fais depuis quelques jours en parcourant les archives de la ville, ça me questionne beaucoup. En plus de me confronter à cette évidence que je ne sais même pas par ou commencer.
Et ou la chercher.
Parce que d’une part, si j’ai un temps pu imaginer que peut-être Lucienne avait-elle tout simplement été victime des préjugés de cette époque de la fin des années vingts, qui n’auraient rien vu d’autre en cette femme abandonnant mari et enfants qu’une putain (une sorcière assurément !), je me retrouve à douter.
Et a me dire que finalement, tout converge pour indiquer que c’est fort probablement ce mode de vie en marge qui fut le sien…
Ou la chercher alors ? Cette question tourne sans arrêt dans ma tête alors que je ne peux qu’être consciente que ce n’est sans doute pas là le genre de « travail » – la prostitution dans le Red Light des années 30-40 à Montréal – pour lequel nous poinçonnons à chaque fin de journée n’est-ce pas ?
Et je reviens sur cette idée de tenter de mettre la main sur son dossier médical. Caché parmi une multitude d’archives – mortes elles-aussi. Comme si de savoir de quoi Lucienne est décédée en 1953, à 49 ans, allait me la rendre plus réelle.
Plus humaine.
Comme si de connaître son groupe sanguin par exemple, avait ce pouvoir de sortir cette arrière-grand-mère qui a longtemps eu tout du fantôme – immense trou noir dans la galaxie familiale – de l’ombre.
Lui redonnant ainsi une certaine forme de matérialité…
2 commentaires
Étoile
Bonjour Marie, Hélas des préjugés il y en avaient dans ces années là mais il en reste encore beaucoup aujourd’hui. Une prostituée est encore très mal vue, pour n’en nommée qu’un seul. Une de mes tantes que j’aimais beaucoup a un jour « abandonné » ses deux garçons à son mari pour partir avec le frère de son époux .Quel déshonneur pour la famille. Imagine les réunions de famille. Un des deux frères ne se présentait pas. J’ai connu mes cousins à l’âge de trente ans lors d’un décès. Ma tante est décédé il y a deux ans et encore il y en avait pour « rappeler » son dévergondage. Ah les jugements que j’ai donc de la misère avec ça. Je comprends les difficultés que tu rencontres en allant chercher dans les archives et autres. Mon ex-mari et moi avons chercher pendant douze ans sa mère biologique. Souvent dans ces années là les dates étaient « arrangées » on s’est buté souvent à des murs. Des fois c’était décourageant. Il y avait tant de cachette durant ces années. Aussi je me souvient que bizarrement ils nous disaient que les dossiers avaient passé au feu ,tiens donc quel hasard. S’en était frustrant. L’histoire s’est heureusement bien terminée après vingt et un an de recherche. C’est ce que je te souhaite aussi. Commencer par des petites bouchées. Je comprends ta frustration et ta désillusion. Garde espoir fais toi confiance malgré les difficultés que tu va rencontrer .bonne soirée Marie.
Marie
Bonsoir Étoile ! C’est vrai que c’est le genre d’histoire que nous imaginerions issue d’un roman. Mais qu’on ne retrouverait jamais dans son histoire familiale n’est-ce pas ? Ou au pire, qui n’arrive qu’aux autres ! Et pourtant, je pense que des secrets, il s’en trouve dans toutes les familles. Des secrets plus ou moins sombres mais qui ont été élaborés tout simplement par des gens qui avaient peur du jugement des autres. Du jugement de la société. Et on peut penser que c’était avec raison lorsqu’on voit à quel point certaines personnes, comme mon arrière-grand-mère par exemple, ont pu être stigmatisées pour leurs choix.
Dans toutes mes recherches, ce qui me trouble le plus c’est d’apprendre que du côté de sa famille à elle, Lucienne est devenu un tabou total. La cousine de ma grand-mère avec qui j’ai maintenant contact était éberluée d’entendre parler de toute cette histoire, personne n’ayant jamais parlé de Lucienne. Même sa mère (sœur de Lucienne) qui est décédée en mars avait toujours refusé d’en parler tout autant que de répondre aux questions sur le sujet.
Nous pensons que nos choix n’ont pas tant d’impact sur le monde qui nous entoure. Et pourtant, j’en suis convaincue, Lucienne n’aurait jamais au grand jamais pu imaginer que nous parlerions encore… presque 100 ans plus tard, de sa « rupture » d’avec les conventions de l’époque ! De toutes façons, je me dis que le fait que je raconte son histoire sur un blogue, si on le lui avait prédit à l’époque, ça lui aurait sans doute semblé être de la pure science fiction 🙂
C’est complètement fou non ?
Marie xx