Un étranger dans ma maison
Lors d’une chronique il y a plus d’un an, je parlais de Lee Miller, une illustre photographe du XXième siècle que j’avais découverte tout à fait par hasard, à travers la lecture d’un livre de Nancy Huston…. Je vous racontais cela ici.
Je vous racontais alors que le parcours de Lee Miller, bien qu’ayant débuté de façon tout à fait hors norme, (alors qu’elle avait notamment été violée à sept ans par le jeune fils d’amis de la famille et que son père fit des photos d’elle… nue), n’en pris pas moins des détours tout à fait incroyables alors qu’elle s’installa à Paris à tout juste 16 ans pour devenir top modèle pour Vogue dans les années 20 et 30. Puis l’égérie de Man Ray, Éluard et Picasso parmi d’autres…
Tout cela avant de choisir l’arrière de la caméra ou elle fut la seule femme, parmi les tout premiers journalistes à suivre le débarquement de Normandie, puis à photographier les camps de la mort… Des centaines de photos qu’elle fit à cette époque, on en trouve une notamment ou elle apparaît elle-même photographiée dans la baignoire d’Hitler…
Puis un jour, lorsqu’elle en eut assez de faire de la photo, Lee Miller s’arrêta. Puis s’installa sur un ranch avec son mari et son fils. Au bout du compte, c’est un cancer qui eut raison d’elle et l’emporta en 1977… Elle avait alors soixante-dix ans !
Dans ma chronique, je racontais ainsi que le plus renversant de toute cette histoire avait été pour moi de découvrir que son fils n’avait apprit tout ce pan fascinant de la vie de sa mère qu’après la mort de celle-ci. En ouvrant des boîtes et des malles pleines de négatifs, de photos et de textes, certains déjà publiés, d’autres inédits. En somme, quelque 40,000 négatifs et 500 tirages qu’il dut ainsi trier, ayant décidé d’écrire un livre sur cette mère qu’il avait si mal connue…
La seule question qui m’était venue à l’esprit alors avait été de me demander comment il pouvait être possible d’être aussi ignorant de la vie de sa mère, au point de n’avoir jamais eu conscience de tout ce parcours digne d’un roman qui avait été le siens…
Quand je m’arrête à regarder ma propre histoire familiale aujourd’hui, il m’arrive ainsi de me demander si quelque part, la notion de famille n’est pas en quelque sorte le fait de nous lier pour l’éternité à ces personnes qu’il nous sera donné de connaître le moins…
En regardant ce que fut la vie de ma grand-mère Jeanne, il m’arrive d’en être intimement convaincue…
* Au cas ou vous auriez cette chance extraordinaire de passer par là, il y a actuellement une exposition des oeuvres de Lee Miller au Centre national de l’audiovisuel du Luxembourg…Exposition LEE MILLER. Correspondances d’un No Man’s Land. Luxembourg (jusqu’au 2 octobre 2011)
4 commentaires
Morgane
Si l'on y réfléchit bien, c'est logique.
Je ne vais pas raconter mon histoire aux enfants, du moins, pas comme je l'ai fait sur le blogue ou à des amis. Et cela, uniquement pour les protéger. Ils n'ont pas à savoir ce que j'ai subi avec leur père, ils n'ont pas à savoir à quel point ce dernier a été odieux, à quel point il a été un mauvais père de mon point de vue. Pas maintenant, et peut-être jamais. Je ne le ferai que s'ils me le demandent et si cette ignorance cause des souffrances.
Cette maman, elle a certainement tu son passé pour des raisons semblables.
MARIE
Je parlais plutôt de tout ce côté mannequin pour Vogue puis reporter de guerre pendant la deuxième guerre mondiale que de celui plus négatif de son enfance…. Bien sur, ce dernier, je peux tout à fait concevoir que ce ne soit pas le genre d'expérience que nous ayons envie de raconter à nos enfants ! Mais le fait qu'elle avait été une figure importante de la photographie, son fils ne l'a découvert qu'à sa mort. À mon sens, il n'y avait rien de honteux là dedans, bien au contraire ! C'est plus ce côté inconnu de son fils qui m'a étonné parce qu'on ne parle pas là d'une chose à laquelle elle s'est essayée pendant un jour ou deux…mais ou elle est devenue une figure marquante pendant quelque trente ans de sa vie. J'imagine qu'il doit en être fier d'ailleurs puisqu'il a depuis crée une fondation pour l'oeuvre de sa mère et écrit plusieurs biographies.
Charlotte
Mon idée c'est que c'est une femme toute simple qui n'a pas voulu se glorifier de cette « ancienne » vie auprès de son fils. Peut-être que pour elle, ce ne fut pas d'aussi bonnes années que pour nous ça semble l'être. Peut-être a-t-elle trouver la paix dans son ranch avec son mari et son fils et qu'elle n'avait plus besoin de ce passé qui n'avait pas été tout à fait tendre avec elle. Tellement de scénarios possibles..
Peut-être qu'elle aurait dû, dans les derniers mois de sa vie, lui parler un peu de cette vie tout autre qu'elle a vécu. Mais c'était son choix.
L'être humain est tellement complexe … c'est beau je trouve.
MARIE
Il est bien vrai que souvent, on voit les choses différemment des autres. Sans doute a-t-elle vu dans ce passé le passé justement. Et parfois, peut-être que ce quelque chose dont on a jamais parlé jusque là, on ne voit pas l'intérêt de le faire, tout simplement. J'aime ces destins ou on ne peut faire autrement que de réaliser que notre vie, on peut l'inventer sans limite. Je trouve cela magnifique ! Et inspirant. Et c'est tout à fait vrai que l'humain est vraiment complexe. C'est sans doute ce qui donne de la beauté à l'expérience humaine 😉