Une chambre à soi
Je l’ai déjà dit et je le redis : la vie va trop vite !
Bien que nous nous imaginions bien souvent que notre époque moderne nous ait donné, à nous les femmes, une foule de libertés auxquelles nos mères et leurs mères avant elles n’auraient même pas osé rêver – liberté d’étudier, de carrière, d’avoir des enfants ou pas, à l’âge ou l’on s’en sent prêtes, de se marier ou pas… – j’ai l’impression du même coup que ce n’est peut-être là que de la poudre aux yeux ! Y avons-nous vraiment gagné au change ?
Hier, alors que je m’étais permis le luxe ultime de travailler de la maison (celles qui doivent parcourir comme moi trois heures de route chaque jour pour l’aller/retour au travail comprendront !), j’ai ressenti un moment de grâce incroyable alors qu’à 16h, alors que ma journée était terminée, que mon fils revenu de la garderie jouait dans la cours, j’ai pu profiter d’un moment de bonheur sans nom, plongée dans un magazine au soleil, tout en buvant un verre de Sangria (peut-être même deux 😉
Avouez que ça fait envie !!!
Et puis, voilà que je suis tombée sur un article de la journaliste Anne-Marie Lecomte qui parlait justement de son plaisir d’écrire, de ce désir d’écrire un livre surtout (hasard ?). Elle y disait entre autre que ce rêve qu’elle caressait depuis toujours avait été trop souvent compromis, par peur de l’échec d’une part mais surtout en raison de la vie qui bien plus souvent qu’autrement, comme pour nous toutes d’ailleurs, est trop prenante ! Prise entre travail, famille, maison et tout le reste, quel espace reste-t-il pour nous peut-on se demander !
Et c’est alors que j’ai repensé à l’écrivaine Virginia Woolf qui en 1929 avait publié son livre Une chambre à soi dans lequel elle relevait les mêmes limitations dans sa vie de femme. Comme quoi, c’est peut-être toujours du pareil au même finalement, peut importe l’époque à laquelle nous vivons !
Virginia Woolf y détaillait entre autres les contraintes liées au mariage, à la charge des enfants et du ménage qui ne laissent plus le temps aux femmes de se consacrer à l’écriture (on croirait s’entendre penser n’est-ce pas ?).
Bien sur, on parle ici d’écrire mais on peut s’entendre qu’il pourrait s’agir de n’importe quel rêve qu’on mettrait trop souvent trop loin dans la liste de nos priorités ! L’auteure disait ainsi dans ce livre que les conditions nécessaires pour pouvoir se ménager cet espace était d’avoir une chambre à soi, un lieu qu’on puisse fermer à clé afin de ne pas être dérangée…
Dans son article, la journaliste quant à elle racontait qu’une femme de sa connaissance était partie de chez-elle, puis revenue, puis repartie, se plaignant de n’avoir pas d’espace à elle…
C’est frappant, n’est-ce pas, de constater qu’à quatre-vingts ans de distance, nous puissions être confrontées aux mêmes limitations ! Moi-même, j’ai bien souvent l’impression de tout donner à mon conjoint, à mon fils, à ma mère, au travail et à Pierre, Jean et Jacques alors que moi, j’attends sans fin un tour qui ne vient jamais ! Alors que je vois sans fin s’accumuler tous ces livres que j’aurai peut-être un jour le temps de lire; que je rêve de ce voyage à Prague sur lequel je ne peux m’empêcher de fantasmer; que l’idée d’une nuit à dormir sans me soucier d’être à l’écoute si mon fils se réveille m’apparaît comme un Eldorado inatteignable !
Je ne peux évidemment m’empêcher de repenser, du coup, à mon arrière-grand-mère qui comme je vous l’ai déjà raconté, avait abandonné ses enfants en 1928 alors qu’elle était âgée de tout juste 24 ans. À la recherche j’imagine d’un destin qu’elle souhaitait meilleur pour elle. Ou peut-être était-elle aussi à la recherche de cet « espace » ? À la recherche d’autre chose en tout cas !
En ce qui me concerne, je pense avoir trouvé dans cette occasion d’écrire au quotidien un espace de liberté…
Entre mes deux oreilles celui-là 😉