Une main que l’on prend sans se faire prier
Les week-ends se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. Ainsi, je suis moi-même tombée la fin de semaine dernière dans ce que j’appelle l’une de mes crises de lecture.
Plus possible alors de me parler. Ni même de me faire bouger. Mon mari devant presque me perfuser mes repas par intraveineuse…
Enfin, j’exagère ! Un peu !
Bref ! C’est ainsi qu’entre un Boris Cyrulnik (Mourir de dire la honte) et un petit livre de la chroniqueuse Geneviève St-Germain (Carnets d’une désobéissante), j’ai découvert l’auteure irlandaise Maggie O’Farrell que je ne connaissais pas du tout jusque là et son très beau roman «Cette main qui a pris la mienne». Un roman qui se veut en fait un véritable ode à la féminité, à la maternité et aux multiples décisions qui bien des années plus tard, ont encore un impact inimaginable sur la vie des protagonistes.
On découvre dans ce roman les destins en parallèle, bien que se déroulant à quarante ans de distance, de deux femmes aux destins entremêlés. D’abord Élina aujourd’hui, artiste d’origine finlandaise qui vient d’accoucher à Londres d’un petit garçon dans des conditions épouvantables. À tel point qu’elle ne se souvient même plus avoir accouché, genre de réaction que l’on pourrait qualifier de post-partum ! Période extrêmement difficile pour son mari Ted et elle dont le couple sera ainsi malmené par les émotions de chacun. Lui ayant de plus en plus de flash d’une enfance qu’il a de la difficulté à saisir….elle ayant de la difficulté à s’habituer à sa nouvelle vie dans laquelle elle ne voit la rue et le monde extérieur qu’au travers une fenêtre…
Et puis, dans les années 50, le destin de Lexie qui vient de quitter son Devon natal pour aller vivre à Soho ou elle deviendra journaliste auprès de l’homme qu’elle aime, de douze ans son aîné et…marié ! Mais, c’est le grand amour alors qu’y peuvent-ils ? Bien sur, tout cela relèverait du simple roman rose bonbon si ce n’était que lui vit séparé d’une femme qui se sert de sa fille pour le retenir, Margot, qui jouera dans l’histoire un rôle non négligeable…bien que tragique.
Tout l’intérêt de ce roman réside à mon avis dans le talent de l’auteure à raconter l’histoire comme si elle en était la scénariste (ce qu’elle est sans doute !), avec des moments ou elle interpelle directement le lecteur, semblant appuyer sur un «pause» imaginaire afin de ré-embobiner l’histoire, nous permettant ainsi de bien comprendre les événements. Un peu comme si nous étions Dieu et que d’un coup de baguette magique, il nous était donné de regarder en plongée les destins de ces personnages profonds et touchants.
Paradoxalement, bien que le rythme du roman soit finalement lent, je suis entrée dans cette histoire de plein fouet, ne trouvant un genre de paix qu’une fois la dernière page refermée. Ce qui doit finalement être plutôt bon signe je pense ! Nous devons en effet attendre un bon 200 pages avant de pouvoir trouver des liens entre tous ces personnages que tout semble séparer (mais pas tant que cela, au final!)
Pour ma part, j’ai adoré la puissance de ces personnages tous riches et complets et aucun d’eux ne servant de faire-valoir aux autres, ce qui est trop souvent le cas en littérature à mon avis. Et puis on y retrouve des personnages féminins forts tous soumis aux mêmes questionnements en ce qui a trait à la maternité, à la façon de concilier nos vies de femme et de mère. L’auteure porte un regard lucide sur les changements apportés dans le couple au moment de le naissance d’un premier enfant. Mais aussi, sur la puissance et sur le pouvoir étrange de la filiation.
Magnifique !